Trois agriculteurs des Deux-Sèvres ont découvert leurs équipements d’irrigation volés, détruits, voire « massacrés » le dimanche 13 septembre 2020.
L’un d’entre eux se dit « en colère » face à ces actes de vandalisme et estime à 30 000 euros son préjudice matériel. Même constat chez ses voisins. Un climat de tension règne dans la commune où un projet de bassines fait débat.Indignation, colère et incompréhension planent depuis trois jours à Aigondigné. Dans la nuit du samedi 12 au dimanche 13 septembre 2020, du matériel agricole a été vandalisé sur trois exploitations de cette commune des Deux-Sèvres. Et à chaque fois, ce sont des équipements d’irrigation qui ont été ciblés.
Télescopique volé, station de pompage et pivot d’irrigation détruits
« Ils ont commencé par voler un télescopique sur une exploitation et ils s’en sont servi pour dégrader une cabane. Puis dans un autre champ, ils ont fait tomber la moitié d’un pivot d’irrigation par terre », relate à La France Agricole Grégory Nivelle, président FNSEA 79.
Cette cabane, détruite avec le télescopique volé dans la commune voisine de Prahecq, est une station de pompage. « Ils sont rentrés dedans comme une voiture bélier », constate un des exploitants qui souhaite rester anonyme. « On est écœuré, ça ne reste que du matériel heureusement. Mais il y a eu de l’acharnement, c’est poussé », déplore-t-il.
« Ce sont des chasseurs qui ont averti [mon voisin] qui m’a ensuite appelé le dimanche matin. Ils ont carrément massacré un tiers de notre rampe d’irrigation de 200 mètres de long avec télescopique », s’insurge Jacky Mesmin, éleveur à Aigondigné. « Il y a de la colère, c’est tout neuf ! La rampe est en fonction depuis la mi-juin. Elle est moins gourmande en eau, c’est pour ça qu’on l’a choisie. Donc par rapport à un enrouleur, on estime aller dans le bon sens en faisant attention aux irrigants », assure-t-il.
Patricia Rouxel, maire d’Aigondigné, s’est rendue sur place pour constater les dégâts. En plus du matériel saccagé, « des panneaux de signalisation ont été écrasés » le long des routes. « La collectivité condamne ces actes et la commune va déposer plainte », explique-t-elle encore, précisant que ces dégradations ne sont pas les plus importantes face aux préjudices subis par les exploitants.
Des préjudices matériels qui n’ont pas encore été expertisés en totalité, mais qui s’élèvent à plusieurs dizaines milliers d’euros. « À vue de nez, comme la rampe coûte 120 000 euros, la dégradation c’est 30 000 euros », estime l’éleveur Jacky Mesmin. « Pour nous aussi, car la partie électrique de la cabane est fichue », ajoute le deuxième exploitant.
« Un climat de tension, on a peur que ça dérape »
Grégory Nivelle, de la FNSEA 79, relate le dégoût et la révolte des agriculteurs qu’il a rencontrés : « En plus, avec tout ce que l’on peut voir ou entendre sur l’agribashing, les intrusions, les mutilations sur chevaux et bovins, c’est un peu le ras-le-bol. » Il ajoute : « Ils n’ont pas peur pour leur personne, mais ils nous demandaient : “Est-ce qu’on pourra avoir le droit d’exercer notre métier, de le faire sereinement ?” »
« Ils sont dans la crainte et en colère. C’est l’incompréhension. En aucun cas, ils ont l’impression de faire quelque chose de contraire à aucune réglementation. Il y a un climat de tension, on a peur que ça dérape », relève de son côté Thomas Gaillard, président de Jeunes Agriculteurs 79. « Il y a forcément un peu de colère et d’amertume, c’est normal lorsqu’on dégrade ses outils de travail. Ça ne fait qu’exacerber les tensions », déplore également la maire d’Aigondigné.
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Les Deux-Sèvres, cible privilégiée de vandalisme
Depuis des mois, voire des années, le département des Deux-Sèvres est sujet à des actes de vandalisme. En 2008 déjà, les tuyaux des enrouleurs de Thierry Géant, agriculteur à Amuré, avaient été coupés à dix-neuf reprises. Plus récemment, à l’été 2020, des inscriptions ont été taguées sur les murs de la mairie d’Amuré et de la Maison d’agriculture de Vouillé.
En cause, un projet de construction de réserve de substitution. « C’est un secteur sous tension avec ce projet de bassines important », confirme la maire Patricia Rouxel. Mais le problème est que dans ce cas, aucune revendication n’a été faite. « Ce qui est embêtant, c’est que quand on ne sait pas qui c’est, ça laisse planer le doute », explique l’un des exploitants.
« On est assez prudent. Il y a deux hypothèses sur la source des vandalismes : un vandalisme opportuniste et irréfléchi, ou ce qui nous semble le plus plausible, un vandalisme militant. Mais ce n’est pas prouvé », commente Thomas Gaillard, des JA 79. « Cela peut être tout autant des vengeances de voisinage, des jeunes ou un collectif », temporise Grégory Nivelle, de la FNSEA 79, précisant qu’une enquête de la gendarmerie est en cours.
Les agriculteurs face au mur
Comme en témoigne l’un des exploitants, « si on est de nature assez calme, c’est quand même navrant d’en arriver là. » Les trois agriculteurs ont d’ailleurs tous porté plainte dès le lundi 14 septembre 2020 pour vols et dégradations. D’autant qu’« on a fait moult et moult réunions publiques, précise encore le président des JA 79. On a beau expliquer. Eh bien quand les opposants voient leur opposition caduque, ils attaquent. On arrive devant un mur. »
Les agriculteurs de la région sont dépassés par ces situations à répétition : « “Qu’est-ce qu’on fait ?”, demandent-ils aux syndicats locaux. Il faut faire quelque chose ! Malheureusement, à part communiquer, dénoncer et mettre en place des choses pour prévenir les faits, on n’a pas de solution, car les gens ne veulent plus discuter. On le regrette fortement, mais on reste ouvert au dialogue », tente de relativiser Thomas Gaillard.
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