Paul Couvé, éleveur, explique pourquoi il utilise une partie de ses surfaces d’orge hybride pour alimenter son biométhaniseur.
Avec une production de 8 000 porcs et de 600 taurillons chaque année sur une exploitation de 750 hectares, la SCEA Couvé & Fils vient de s’engager dans un grand projet de biométhanisation qui alimente 4 000 foyers de la ville d’Argentan. Nous avons rencontré Paul Couvé, Président et associé de la SAS Baulieu Méthanergie, qui nous a confié ses motivations mais aussi les points d’alerte pour le bon fonctionnement et l’alimentation du méthaniseur.
Pourquoi avez-vous investi près de 8 millions d’euros dans une unité de méthanisation ?
Les deux raisons majeures qui nous ont conduits à ce projet de méthanisation sont le traitement et la valorisation des effluents d’élevage produits sur l’exploitation ainsi que la valorisation des cultures intermédiaires.
En effet, en tant qu’éleveurs, notre système d’exploitation produit en quantité chaque année des effluents d’élevage (lisiers de porcs et fumiers de bovins) que nous épandions jusqu’à présent directement sur nos parcelles avec malheureusement des nuisances olfactives pour les riverains. Ces effluents seront désormais injectés dans le biométhaniseur et restitués sous forme de digestat sur nos parcelles.
Par ailleurs, confrontés à la volatilité récurrente des prix à la fois sur les céréales et sur la viande, nous avons la volonté de valoriser au mieux les cultures intermédiaires à valeur énergétique (CIVE) que nous implantons chaque année dans le cadre de la PAC. Compte tenu de la surface importante de notre exploitation, ces CIVE représentent pour nous près de 400 hectares chaque année.
Comment sera alimenté votre biométhaniseur ?
Avec une production de biométhane de 220 Nm3/heure, notre unité nécessite chaque jour d’incorporer 55 T de matière végétale et d’effluents d’élevage. La structure de notre exploitation permet au biométhaniseur d’être alimenté à hauteur de 60 % par des effluents d’élevage et de 40 % par des matières végétales. Grâce à une taille d’élevage importante et une surface importante de cultures, notre projet peut ainsi fonctionner en pleine autonomie. Environ 250 à 350 hectares d’ensilage de cultures intermédiaires seront ainsi intégrées chaque année dans le biométhaniseur.
En pratique, les ensilages, lisiers et fumiers sont stockés à proximité de l’unité et chargés dans le digesteur tous les jours ou tous les 2 jours (en prenant en compte l’organisation des week-end).
Pourquoi l’orge hybride est-elle une culture intéressante pour la production de biogaz ?
Pour alimenter le biométhaniseur toute l’année, le choix de cultures intermédiaires avec un potentiel de biomasse élevé est très important. C’est le cas de l’orge hybride (100 hectares en moyenne chaque année sur l’exploitation) qui peut être récoltée dès la mi-mai en ensilage et qui permet ainsi de libérer tôt les terres pour implanter des variétés précoces de tournesol, du maïs ou du sorgho. Nous cultivons des orges hybrides depuis près de 10 ans et nous avons pu constater leur intérêt pour la production de grains et de paille avec une biomasse importante. C’est par ailleurs une culture « flexible » que nous pourrons orienter soit sous forme d’ensilage pour la biométhanisation, soit sous forme de fourrages, grains et paille pour nos élevages, en fonction des besoins de l’année.
Quelles sont vos recommandations pour ceux qui souhaitent investir dans un projet de méthanisation ?
Investir dans un projet de méthanisation peut être très rentable mais cela nécessite souvent un investissement très conséquent. En tant qu’agriculteur, il faut avant tout bien dimensionner le projet en fonction de son exploitation agricole et/ou d’autres sources disponibles pour alimenter le méthaniseur afin d’estimer le montant de l’investissement à réaliser qui peut aller de quelques centaines de milliers d’euros à plusieurs millions d’euros. Dans notre cas, nous avons estimé à 8/9 ans le retour sur investissement sachant que nous avons un contrat de 15 ans avec GRDF (la SAS a fait le choix d’un procédé qui permet de réinjecter directement le biométhane produit dans le réseau de distribution). Il faut également que l’agriculteur prenne en compte sa capacité à construire ce projet et à gérer les très nombreuses lourdeurs administratives auxquelles il sera confronté dans la mesure où les unités de méthanisation font partie des installations classées. Les questions logistiques (besoins en camions notamment) doivent également être étudiées à la fois pour les périodes d’ensilage et pour l’approvisionnement du digesteur.
Au final, êtes-vous un éleveur ou un fournisseur d’énergie verte ?
La biométhanisation est une activité complémentaire de nos activités historiques d’élevage et de culture. Ce sont d’ailleurs ces activités qui nous permettent d’être des fournisseurs d’énergie verte. Avec ce projet, nous sommes par ailleurs très fiers de participer à la diminution des rejets de C02 dans l’atmosphère avec 7 000 tonnes qui ne seront pas rejetées, soit l’équivalent de 2 600 voitures faisant 25 000 kms par an, une autre vision et une autre image de l’agriculture !
Paul Couvé (à droite) et son frère Maxime sont agriculteurs-éleveurs à Argentan dans l’Orne. Paul Couvé est également salarié de l’entreprise PlanET, spécialisée dans la construction d’unités de méthanisation. Les associés de la SAS Beaulieu Méthanergie (Paul Couvé, son père, son frère et son oncle) font partie du réseau d’expérimentation Visio-Ferme de Syngenta qui rassemble des agriculteurs volontaires et motivés par l’innovation pour tester en grandes parcelles de nouvelles solutions techniques.
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