Neuf mois de conflits. Un éleveur certifié bio souhaite s’installer à Adainville, dans les Yvelines. Propriétaire de 43 hectares, il compte développer un élevage de vaches bretonnes pie noir et construire un haras. Une activité à laquelle « une palanquée de riverains » s’oppose. L’un d’entre eux est représenté par l’avocate Corinne Lepage. Témoignages.
Le matin du samedi 5 septembre 2020 à Adainville dans les Yvelines, une réunion entre riverains a été organisée à l’initiative du maire Jean-Marc Raimondo. « Le but était de trouver une médiation et d’avoir tous les interlocuteurs qui donnent de vraies possibilités », précise-t-il à La France Agricole.
Au menu du jour, un litige qui oppose Fabien Le Coidic, éleveur certifié bio par le bureau Veritas et attributaire de 43 hectares par la Safer (1) dans la commune, et Madame Jacob, propriétaire d’une maison familiale attenante aux terres agricoles et représentée par l’avocate Corinne Lepage.
« On ne s’attendait pas à une telle rage »
« On s’était assurés au préalable qu’il ait bien le droit de construire un bâtiment et une maison d’habitation sur ces terres, explique Thomas Robin, vice-président pour les Yvelines de la chambre d’agriculture de l’Île-de-France Il y a eu un permis de construire déposé et accepté par la profession agricole et signé par la mairie, donc parfaitement légal. Je ne comprends pas ce litige. »
Une incompréhension partagée par Jean-Marc Raimondo. Avant même d’être élu à la fin de juin 2020, le maire de la commune avait instruit ce permis de construire et avait « fait le nécessaire pour éloigner les premières habitations à 500 mètres du terrain pour éviter tout litige et préserver le village. » Mais quelques mois plus tard, des riverains s’y opposent, « au lieu de trouver le bien-fondé de cette installation bio. On ne s’attendait pas à une telle rage, déplore-t-il, il y a un moment où il faut être responsable. »
Un permis de construire en règle
« J’ai signé en décembre 2019, j’ai eu mon permis pendant le confinement et j’ai déposé mon panneau après le confinement. Ça a commencé à ce moment-là », détaille Fabien Le Coidic. Depuis, deux recours gracieux ont été formés contre son projet d’installation : un de madame Jacob et un autre de madame Rehbac et sa sœur.
Selon lui, « ils ne veulent aucune construction et ils ne comprennent pas pourquoi je veux autant de terres. Ils croient que c’est pour construire plein de bâtiments. » Le maire, Jean-Marc Raimondo, relate que les parties adverses faisaient même « courir des rumeurs fausses sur le projet, qui frôlent la diffamation ».
Thomas Robin, de la chambre d’agriculture des Yvelines, juge de son côté que Madame Jacob « ne veut pas d’agriculture à côté de chez elle alors qu’il y avait un céréalier avant. La campagne, ajoute-t-il, est un lieu de villégiature pour elle, on y vient le week-end pour s’y détendre et on ne doit pas avoir d’activités à côté. »
Une réunion de médiation qui « n’a servi à rien »
C’est donc à l’initiative du maire d’Adainville qu’une réunion de médiation est organisée neuf mois après la signature du permis de construire. Autour de la table : Fabien Le Coidic, son épouse et le père de sa compagne, Thomas Robin, de la chambre d’agriculture et son collègue Ludovic De Miribel, le député de la circonscription, le sous-préfet, trois membres du conseil municipal, le maire, et les opposantes madame Jacob, Véronique Rehbac, accompagnée de sa sœur et de son époux. Seuls les avocats des parties n’étaient pas conviés.
Une réunion qui « n’a servi à rien », selon Jean-Marc Raimondo, qui qualifie la situation « d’extraordinaire », regrettant d’avoir affaire à des « gens absolument intouchables ». Plus encore, selon Thomas Robin, de la chambre d’agriculture, le débat « s’est vite envenimé ».
« Ce n’est pas une opposition de l’urbain à l’agriculteur »
Pourtant, comme l’affirment Fabien Le Coidic et Corinne Lepage à La France Agricole, des alternatives ont été avancées. D’un côté, l’éleveur bio a proposé, en accord avec le maire, de planter une haie d’arbres pour cacher ses bâtiments en plus de s’assurer que son activité reste à 500 mètres de sa première voisine. « 16 hectares nous séparent madame Jacob et moi », précise-t-il.
De l’autre, l’avocate de Madame Jacob assure que sa cliente, « soucieuse du sort de cet éleveur, souhaite trouver une solution et s’efforce de pouvoir compenser le préjudice ». Selon Corinne Lepage, sa cliente « n’est pas quelqu’un qui est là et qui dit : “Je m’en fous.” Elle veut protéger le village et les lieux. »
À la question de savoir pourquoi sa cliente empêche un éleveur de s’installer, l’avocate et ancienne ministre de l’Environnement avance le fait que s’il s’était agi uniquement d’un élevage bio de vaches, « il n’y aurait eu aucun problème ». Seulement, Fabien Le Coidic veut également installer un haras et « les allées et venues changeront la quiétude du lieu ». D’ailleurs, « il n’y a pas que Madame Jacob, il y a une palanquée de riverains qui s’y opposent », ajoute-t-elle.
Elle assure que « ce n’est pas une opposition de l’urbain à l’agriculteur et que l’emplacement et la nature de l’activité, davantage commerciale qu’agricole », sont au cœur du litige. « Ce n’est pas que Madame Jacob ne veuille pas d’agriculture », comme l’avance Thomas Robin, « ce n’est pas une opposition à des terres agricoles, c’est une opposition à la construction d’un haras. »
Quant à la suite, Corinne Lepage et sa cliente attendent la décision du maire concernant le permis de construire. Si elles n’obtiennent pas de réponse ou si la réponse est en faveur de l’éleveur bio, elles iront « devant le tribunal administratif ».
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