« Depuis le 10 mars, je suis en mission sept jours sur sept. Je reçois énormément d’appels d’agriculteurs en détresse, et suis régulièrement interpellé sur les réseaux sociaux. Pour moi, il y aura un avant et un après cette mission », a expliqué le député Olivier Damaisin, à l’occasion de son déplacement en Isère le 17 septembre 2020, à la rencontre d’exploitants en difficulté.

Le député du Lot-et-Garonne (LREM) s’est vu confier, le 10 mars, par le Premier ministre, ainsi que les ministres de la Santé et de l’Agriculture, une mission interministérielle sur la prévention et l’accompagnement des difficultés rencontrées par les agriculteurs. « Ma mission a officiellement pris fin le 21 août, même si je poursuis quelques visites. Ce qui est certain, c’est que je rendrai mon rapport à la fin d’octobre. »

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« Même des prisonniers sont mieux payés »

Durant ces six derniers mois, bousculés par le Covid-19, le parlementaire a mené ses auditions auprès des institutionnels par visioconférence. À l’issue du confinement, il s’est rendu dans plusieurs départements : la Bretagne, la Saône-et-Loire, le Lot-et-Garonne, l’Isère… « J’ai vu également des agriculteurs du côté d’Amiens, mais aussi dans la Drôme… », poursuit-il.

De tous ces entretiens, l’isolement est apparu comme l’une des premières causes de suicide en agriculture. « Les agriculteurs que j’ai rencontrés m’ont aussi beaucoup parlé de leurs difficultés financières, ainsi que des impacts sur leur famille. Ça n’est quand même pas normal aujourd’hui qu’un exploitant qui travaille 70 heures par semaine ne gagne pas 500 euros par mois ! Même des prisonniers sont mieux payés par rapport au nombre d’heures travaillées. »

À la suite de son rapport, Olivier Damaisin prévoit de présenter une proposition de loi. « C’est ce que je vais défendre auprès du gouvernement. S’il existe beaucoup d’outils et d’acteurs institutionnels ainsi qu’associatifs, il est indispensable aujourd’hui de parvenir à une meilleure cohésion entre eux. Développer des mesures d’accompagnement existantes, en les rendant disponibles dans toute la France, et en leur apportant plus de moyens financiers, fait partie des solutions. »

Réfléchir à une « caution foncière »

Le parlementaire défend également l’idée d’une « caution foncière » : « Nous en avons discuté avec le président de la Safer, Emmanuel Hyest, lors de son audition. Il pourrait s’agir pour l’agriculteur en difficulté de vendre une partie de ses terres à la Safer, qui lui permettrait de se remettre à flot. À l’issue d’une période de 5 ou 10 ans, il serait prioritaire à leur reprise. C’est l’une des pistes sur lesquelles je travaille aujourd’hui. »

Au cours de sa visite, Olivier Damaisin s’est confié sur ses motivations durant sa mission : « Il y a quelques années, j’ai perdu mon entreprise, partie en liquidation. Et moi aussi, j’ai eu peur à un moment, dans ma vie, d’ouvrir ma boîte aux lettres. Cette histoire est derrière moi désormais. Mais je suis passé par là aussi. »

« Je connais les situations difficiles, poursuit-il. On m’avait parlé des trois D à l’époque. J’ignorais de quoi il s’agissait. 3D, pour déprime, divorce, décès. Quand on vous dit ça, alors que vous venez de perdre votre boîte, ça vous prend les tripes. Moi ça m’a permis de rebondir. Mais ça peut mettre en l’air. Mais je vous assure qu’il est possible de rebondir. La preuve, je suis devenu député. »

Rosanne Aries