Pour la première fois, la production agricole va se doter d’une convention collective nationale. L’accord politique entre le principal syndicat patronal (FNSEA) et les cinq organisations syndicales de salariés a été formellement signifié par un courrier le lundi 21 septembre 2020. Signée par quatre syndicats (CFTC-Agri, CGT-Agri, FO-FGTA et SNCEA) après un échange avec la FNSEA, cette lettre déclare l’ouverture à la signature de la convention collective après une ultime négociation sur deux points (travail de nuit et nombre de jours de congé exceptionnels lors du décès d’un enfant). La FGA-CFDT avait déjà donné son accord de principe sur ces deux points après une dernière réunion physique entre les parties, le 15 septembre 2020 au siège de la FNSEA à Paris.

Ce sont donc près de trois ans de négociations entre le patronat et les syndicats que matérialise ce texte. Après signatures, il sera envoyé au ministère de l’Agriculture pour son examen par la commission d’extension des accords, programmée le 22 octobre 2020. Si l’Administration le valide, il entrera en application le premier janvier 2021 dans toutes les exploitations agricoles employeuses de main-d’œuvre et aux Cuma. Les entrepreneurs de travaux agricoles ont aussi entamé un travail similaire.

Le dialogue local est maintenu

Cette convention nationale vient se substituer aux 140 conventions collectives territorialesqui existent en agriculture. Ce chiffre fait de l’agriculture un secteur particulier du dialogue social puisqu’il pèse à lui seul presque la moitié de l’ensemble des conventions collectives en France. Pour autant, les négociateurs ont tenu à maintenir l’échelon territorial du dialogue social. Les conventions collectives territoriales se transformeront en accords étendus dans lesquels les acteurs patronaux et salariés négocieront les sujets pertinents sur le territoire. Par exemple, le montant des primes (treizième mois, ancienneté, etc.) relèvera du dialogue local. Les instances paritaires existantes, comme les CPHSCT (hygiène et sécurité), restent en place.

D’un autre côté, les 32 accords nationaux thématiques existants resteront en vigueur et ne seront pas affectés par la convention collective nationale. Ce sera le cas, par exemple, des accords sur la prévoyance, sur la formation des salariés (Ocapiat), sur la qualité de vie au travail, le compte épargne temps, l’action sociale, etc.

Une grille de salaire innovante

En revanche, la convention collective nationale introduit une grille de rémunérationréellement novatrice dans l’univers du dialogue social dans le sens où elle sera basée sur les compétences et pas uniquement sur le métier. Elle permettra ainsi de tenir compte des multiples compétences exercées par le salarié dans l’exercice de son travail et pas uniquement de sa dextérité dans certaines tâches.

Concrètement, cette mécanique incitera au dialogue social à l’intérieur des exploitations. La convention établit, quel que soit le métier exercé, cinq degrés de compétences dans cinq critères : technicité, management, autonomie, responsabilité, relationnel. L’addition des degrés détermine la place du salarié dans une grille de compétence qui, à son tour, renvoie à un salaire minimum. On devine que le caractère novateur de ce mécanisme rendra nécessaire une certaine pédagogie de la méthode pour son application, aussi bien auprès des employeurs que des salariés.

Par cette nouvelle convention, des salaires risquent d’augmenter. Mais les partenaires sociaux se rejoignent pour une estimation où les deux tiers des emplois sont déjà à ce niveau de rémunération ou au-dessus. Ce qui signifie aussi qu’un tiers pourrait voir les salaires augmenter, en particulier dans les étages les plus bas de la grille, apportant ainsi une première réponse à la question du manque d’attractivité du métier.

Faire vivre la convention

Les partenaires sociaux se satisfont unanimement de l’aboutissement de ce long travail de discussion. Pour autant, ils s’accordent aussi pour estimer qu’il n’est qu’une première étape. Il leur reste encore à faire vivre ce texte en l’adaptant année après année aux évolutions des métiers agricoles.

La retraite supplémentaire pour les non-cadres

Parallèlement à la négociation sur la convention collective, les partenaires sociaux agricoles ont signé un accord permettant le financement de la retraite supplémentaire des salariés non-cadres de la production agricole et des Cuma. C’était la dernière catégorie des salariés du régime agricole à ne pas en bénéficier alors qu’un tel dispositif existait pour les cadres depuis 67 ans.

Éric Young