La France agricole : Avec 1,2 milliard d’euros sur un total de 100 milliards du plan de relance peut-on considérer que l’agriculture en représente « une part substantielle » comme vous l’avez déclaré ?

Julien Denormandie : Ce plan de relance est historique, par son ampleur, son ambition et sa finalité. Il s’agit de construire une France plus forte qu’aujourd’hui, et ça ne peut exister que si l’on a une agriculture forte. Donc l’agriculture est pleinement incluse dans ce plan.

Une très grande majorité de ce plan est composée de mesures transversales sur des questions de compétitivité des entreprises, de renforcement des compétences humaines et donc, de facto, ces aides transversales sont utilisables par le secteur agricole et agroalimentaire. Je pense par exemple aux aides à l’embauche des jeunes ou des apprentis. On sait à quel point l’apprentissage agricole est incroyablement important : ceux-ci représentent près de 8 % de l’ensemble des apprentis.

Au-delà de ces mesures transversales, le plan de relance contient des mesures dédiées à 100 % à l’agriculture et l’alimentation et qui constituent un levier très important pour ce qui représente à mes yeux le principal objectif : renforcer et consolider l’indépendance et la souveraineté agroalimentaire française. C’est le fil rouge de mon action aujourd’hui et demain.

A-t-on une idée de l’enveloppe des mesures transverses qui pourrait rejaillir sur l’agriculture ?

Toutes ces mesures transverses touchent les secteurs agricole et agroalimentaire. De la même manière, nous avons annoncé la semaine dernière, au titre du plan de relance, un plan d’investissement de relocalisation des industries, dans cinq secteurs stratégiques, parmi lesquels le secteur agroalimentaire. Cela non plus, n’est pas intégré dans le montant de l’enveloppe destinée à l’agriculture. Plus les agriculteurs et entreprises déposeront de projets, plus l’enveloppe sera importante. Soyons réactifs, c’est une formidable opportunité.

Renforcer et consolider l’indépendance et la souveraineté alimentaire, c’est le fil rouge de mon action.Julien Denormandie

Sur 1,2 milliard, un milliard est destiné à l’agriculture et 200 millions à la forêt. Ce sont des nouveaux crédits ?

Oui. C’est du « plus, plus, plus ». Cette somme vient en effet s’ajouter au budget du ministère de l’Agriculture et à celui de la politique agricole commune, sur lequel le président Emmanuel Macron s’est tant battu lors du dernier sommet des chefs d’États et de gouvernements.

Que vont financer les 100 millions d’euros alloués au plan protéine ?

Cela fait longtemps que l’on parle de ce plan protéines et surtout très longtemps que l’on attend les financements. Ils sont désormais là. Ce plan, nous sommes en train de le finaliser avec la filière, notamment les interprofessions.

Trois axes structurent les discussions. Le premier vise à être moins dépendant des importations d’Amérique du Sud et donc à développer davantage de cultures protéiniques parmi nos grandes cultures.

Le deuxième, c’est le volet fourrager. Comment permettre aux éleveurs d’être moins dépendants des sécheresses qui font que leur fourrage est moins nutritif ou récolté en moindre quantité. Il s’agit donc ici d’investir dans des agroéquipements ou d’autres éléments qui vont leur permettre d’améliorer les produits qu’ils cultivent ou transforment sur leur exploitation pour le donner à leurs animaux. C’est un travail que l’on va finaliser avec la profession pour déterminer les types d’équipements et de cultures qu’il faut soutenir.

Le troisième axe est celui de la nutrition humaine, notamment comment mieux accompagner certaines plantes protéiniques que nos concitoyens ont délaissées ces dernières années.

Allez-vous être regardant sur les recherches qui vont être menées, notamment concernant les substituts végétaux à la viande ?

Évidemment, en tant que ministre de l’Agriculture, j’attache une attention toute particulière au développement de sources de protéines pour la nutrition animale ou la pisciculture. Chacun est libre de ses choix alimentaires, en privilégiant protéines végétales et animales. Mais le steak, c’est de la viande, pas du soja.

« Cela fait très longtemps que l’on attend les financements de ce plan protéines. Ils sont désormais là ». ©Arnaud Chapuis

Que vont financer les 250 millions d’euros pour la modernisation des abattoirs et des élevages ?

Ils seront répartis à environ moitié-moitié entre les abattoirs et les élevages. L’enjeu, c’est la demande sociétale sur le bien-être animal. Celle-ci est prise en compte par les éleveurs depuis fort longtemps. Ils sont pleinement impliqués sur cette question et ce, bien avant que certains ne mettent ce sujet dans le débat.

Mais ces injonctions sociétales ne devraient pas être uniquement portées par les éleveurs. Elles impliquent aussi un changement de comportement du consommateur, qui devrait accepter de financer ces transitions en payant plus cher sa viande. Car toute transition a un coût. Et qui porte ce coût ? In fine, c’est le producteur alors même qu’il a parfois du mal à rémunérer son propre travail. Mon rôle est donc d’utiliser le plan de relance pour accompagner ces transformations.

Prenez le cas d’un abattoir. Je parle des abattoirs territoriaux, des abattoirs de proximité qui sont essentiels car ce sont souvent des maillons indispensables pour pérenniser et faire vivre nos identités géographiques, nos appellations d’origine contrôlée et nos élevages. Le plan de relance permettra d’investir massivement dans ce type d’outils et d’apporter les éléments de modernisation nécessaires.

Dans les élevages, le principe est le même. Quand ils doivent être modernisés et n’ont pas la capacité d’investissement nécessaire à cette modernisation, il faut tirer profit du plan de relance et le faire avec les axes très importants que sont ceux du bien-être animal et de la biosécurité.

Quand les élevages n’ont pas la capacité d’investissement nécessaire pour être modernisés, il faut tirer profit du plan de relance et le faire avec les axes très importants que sont ceux du bien-être animal et de la biosécurité.

Quels types d’équipement seront financés ?

Cela vise la modernisation des outils. Nous allons définir avec les professions concernées les types d’amélioration et d’investissement pourront être financés. Nous avons jusqu’à la fin de l’année pour le faire car les crédits du plan de relance seront opérationnels à partir du 1er janvier 2021.

Signeriez-vous le référendum d’initiative partagé (RIP) sur la cause animale

Évidemment, je respecte les outils démocratiques mais je ne suis pas parlementaire. Je pense que ce n’est pas le bon véhicule. C’est un sujet qui est beaucoup plus complexe et qui n’appelle pas une réponse par « oui » ou par « non ».

La première complexité, c’est l’amalgame — contre lequel je me bats — entre la maltraitance et le bien-être animal. D’un côté, la maltraitance doit évidemment être condamnée. L’une des premières maltraitances, ce sont notamment les 100 000 animaux de compagnie abandonnés chaque année. Et il y a des comportements encore plus extrêmes.

De l’autre, le bien-être animal doit être accompagné. Il ne suffit pas d’être dans une posture de dénonciation infructueuse mais d’accompagner là où c’est nécessaire. Le problème, c’est que les Français aiment les animaux mais aussi les steaks et les escalopes (sauf pour certains bien sûr, et je le respecte). En revanche, ils n’aiment pas trop ce qui se passe entre-deux… De ce fait, ils donnent des injonctions : « Il faudrait faire ci, faire ça ». La dernière des propositions est d’arrêter l’élevage intensif mais il n’y a même pas de définition ! Si on décide par exemple qu’une porcherie modèle serait uniquement à ciel ouvert, cela implique des enjeux économiques. Est-ce qu’au même moment, on est prêt à payer plus cher notre viande de porc ? Cela emporte aussi des enjeux d’aménagement du territoire. Est-ce que tous ceux qui appellent à faire cela sont prêts à avoir une porcherie à ciel ouvert à côté de chez eux ?

« Je pense que le RIP n’est pas le bon véhicule. C’est un sujet qui est beaucoup plus complexe et qui n’appelle pas une réponse par « oui » ou par « non ». » ©Arnaud Chapuis

Vous avez évoqué une campagne de communication sur les métiers du vivant, mais le vrai déterminant pour installer, c’est le revenu. Comment parvenir à des prix rémunérateurs ?

C’est d’autant plus important que toutes les transitions auxquelles on est confrontés ont un coût et le défi de la rémunération est donc au centre de tout. Il faut se battre sur tous les tableaux. La première des choses, c’est d’être d’une fermeté totale face à des prix constatés qui sont totalement inadmissibles mais aussi face à une sorte de tromperie du consommateur. C’est le cas lorsque, sur une barquette de viande, il y a un drapeau français avec, marqué en dessous, « élaboré en France », alors qu’en fait le morceau de viande n’a rien de français et parfois même rien d’européen. Il y a quelques jours, j’ai écrit à ma collègue de l’industrie en charge des fraudes, Agnès Pannier-Runacher, en lui donnant une liste de tout ce qui m’est remonté depuis ma prise de fonction pour lui demander de diligenter des enquêtes. Je suis très exigeant vis-à-vis du comportement des grandes surfaces, des distributeurs et des transformateurs.

Le deuxième élément, c’est la loi Egalim qui est une avancée indéniable. Elle a permis de changer des choses, d’abord le cadre de discussions entre producteurs et distributeurs. Ce n’est peut-être pas spectaculaire mais c’est très important. On a eu des avancées sur le prix du lait. En revanche, on continue à avoir des diminutions de prix d’achats pour une grande majorité des produits carnés. Il faut que cette loi, qui a presque deux ans, soit pleinement appliquée et s’il faut aller plus loin, je suis tout à fait prêt à le faire. Pour cela, il faut mettre beaucoup de pression dans le tube. Quinze jours après ma nomination, j’ai réuni avec Agnès Pannier-Runacher, un comité des négociations commerciales, avec l’ensemble des acteurs de la chaîne. Et nous continuerons à le réunir autant que nécessaire pour arriver à ce « juste prix », un prix rémunérateur pour ceux qui produisent notre alimentation.

Il faut que la loi Egalim, qui a presque deux ans, soit pleinement appliquée et s’il faut aller plus loin, je suis tout à fait prêt à le faire.

Le troisième axe, c’est faire tout ce que qui est possible pour améliorer le revenu, en diminuant par exemple le coût des intrants ou en étant plus compétitif. Dans le plan de relance, nous inscrivons une ligne très importante dans le financement de l’agroéquipement.

La question des revenus, ça passe aussi par la protection : souvent les prix sont tirés à la baisse parce que, dans le même rayon, vous retrouvez un poulet brésilien, qui coûte beaucoup moins cher, confronté à un bon poulet français. Parfois le consommateur ne voit pas la différence. Il y a donc tout un travail de protection, d’exigence environnementale, notamment dans les accords internationaux qui est essentiel. D’autant plus essentiel que la Pac qui arrive et qui accompagne cette transition agroécologique ne doit surtout pas créer des distorsions au sein même du marché commun : au contraire, elle doit conduire à des ambitions partagées à l’échelle européenne. C’est pour moi, un axe très fort de toutes les négociations commerciales que je mène.

Enfin, dernier point, le comportement du consommateur. C’est un moyen d’augmenter les revenus de nos agriculteurs mais c’est surtout un sujet pour la santé de nos concitoyens. Je le redis : il faut manger des produits frais français. Il n’y a rien de mieux pour la santé, c’est évidemment plus écologique et c’est même beaucoup plus économique que de manger des plats transformés que notre société de consommation nous incite trop souvent à acheter. Dans le plan de relance, nous allons beaucoup développer les circuits courts.

Je négocie les exigences environnementales dans l’eco-scheme de la Pac, avec une ligne rouge : qu’elles soient obligatoires pour tous les pays européens.

Sur le plan européen, la Pac a démantelé beaucoup d’outils de protection, nous exposant au grand large ?

C’est là où la vision politique de ces accords commerciaux doit être fondée sur des exigences, notamment environnementales. Cela constitue un socle fondamental. C’est pour cela que le président Macron a clairement dit qu’on s’opposerait au Mercosur. C’est pour cela que je suis en train de les négocier dans l’eco-scheme de la Pac, avec une ligne rouge : qu’elles soient obligatoires pour tous les pays européens. C’est cela la meilleure des protections : tirer profit de toutes ces transitions que nous réalisons en France.

Cela ne règle pas les prix des céréales, du sucre, de la viande etc. trop bas sur plusieurs campagnes ?

Nous sommes face à une grande difficulté : l’administration des prix est extrêmement compliquée dans une économie de marché, on le sait tous. Nous vivons dans une agriculture mondialisée. En plus, un prix de culture ne dépend pas uniquement de la méthode culturale.

Un exemple : les prix d’un certain nombre de marchés de céréales sont directement liés avec le cours du pétrole. Vous voyez bien que tout est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Il faut donc se battre en tenant compte de cette complexité.

Le plan de relance prévoit une prime à la conversion des agroéquipements. Quels outils sont concernés ?

La ligne de financement de cette prime à la conversion est de 135 millions d’euros pour les agroéquipements de manière générale et il y aura par ailleurs 100 millions d’euros supplémentaires pour les équipements de protection face aux aléas climatiques. Nous sommes en train de définir avec les professionnels les types de matériel qui seront éligibles. L’objectif est que tout soit opérationnel début 2021. Cela concernera par exemple les bineuses ou des pulvérisateurs plus économes et les filets paragrêles en arboriculture et viticulture.

Le ministre a reçu, dans le respect des gestes barrières, trois journalistes de la France Agricole. © ©Arnaud Chapuis

Une réforme était prévue pour la gestion des risques, où en êtes-vous ?

Le travail est en cours. C’est évidemment très important de savoir comment nous pouvons améliorer la couverture assurantielle de nos cultures. Le sujet est complexe. Il y a plusieurs questions que je pose sans forcément apporter pour l’instant de réponses. Il y a déjà une très grande hétérogénéité entre les types de cultures. Des compétitions existent parfois entre les assurances multirisques climatiques et les procédures d’indemnisation. Des questions restent ouvertes. Faut-il rendre ces assurances obligatoires ou pas ? Aujourd’hui, je poursuis les consultations. Je comprends les arguments des uns et des autres.

La campagne d’assurance se décide en ce moment pour les agriculteurs… Si quelque chose change, ce sera pour celle d’après ?

La réforme n’est pas prête au moment où je vous parle. Cette question de l’obligation éventuelle crée des clivages au sein même de la profession. Proposer des assurances qui soient tellement chères qu’elles deviennent inaccessibles ne résout en rien le problème. Construire des assurances qui ne soient pas acceptées par une partie des agriculteurs, non plus. Donc, il faut continuer à travailler pour trouver les bons points d’équilibre.

La réforme de la gestion des risques n’est pas prête.

Est-ce avec la bio que l’on atteindra la souveraineté alimentaire ? L’agriculture conventionnelle, c’est dépassé ?

J’ai une position qui est très claire sur ce sujet. Je suis un très grand défenseur de l’agriculture de proximité et des circuits courts, en même temps que de l’agriculture qui exporte. Je pense que les deux ont pleinement leur place dans notre pays et sont fondamentales notamment pour la souveraineté de la France. La folie serait d’opposer l’une à l’autre. Ce manichéisme qui consiste à choisir n’est absolument pas conforme aux réalités et ne sert pas notre pays

Les deux modèles d’agriculture, bio et conventionnel, peuvent coexister. Nous renforçons le fond Avenir bio pour continuer à accompagner le secteur. En même temps, nous créons un crédit d’impôt HVE (haute valeur environnementale), qui est une demande qui nous était faite depuis très longtemps. Je suis très content de pouvoir le faire. Il va être très largement doté avec plus de 75 millions d’euros.

Nous investissons également massivement dans les circuits courts justement pour permettre à nos concitoyens de manger des produits frais français, qui ont un intérêt nutritionnel pour la santé, un intérêt écologique et un intérêt rémunérateur pour nos agriculteurs. Ce seront des actions concrètes : dans la restauration collective et les cantines par exemple, il y a des difficultés car il faut créer des lieux de stockage qui engendrent des coûts initiaux importants. Nous ne pouvons pas nous contenter d’injonctions à consommer local.

Je crois beaucoup à l’idée de financer des projets d’alimentation territoriaux qui marchent très bien. Le nom paraît un peu technique mais, en fait, c’est un dispositif qui permet de structurer la distribution issue des filières locales.

Je suis un très grand défenseur de l’agriculture de proximité et des circuits courts, en même temps que de l’agriculture qui exporte.

La réalité, c’est que l’export français perd des places depuis plus d’une décennie… Redresser l’exportation ne figure pas dans le plan de relance !

C’est un sujet que je connais particulièrement bien car dans une vie précédente, je travaillais justement sur ces sujets d’exportation. Quand vous voyez que dans la dernière décennie, l’Allemagne devient meilleur exportateur que nous sur des expertises françaises historiques, c’est, pour moi, un signal d’alarme.

Toute ma politique ne se résume pas au plan de relance, même si, vous l’aurez noté, 250 millions d’euros sont consacrés à l’export dans le plan de relance. Ce plan vient en sus du budget de la politique agricole commune, en plus des actions qu’on fait par ailleurs.

« Toute ma politique ne se résume pas au plan de relance, même si, vous l’aurez noté, 250 millions d’euros sont consacrés à l’export dans le plan de relance. » ©Arnaud Chapuis

Réduire de 50 % l’utilisation des phytos, est-ce compatible avec la souveraineté alimentaire ?

C’est un objectif sur lequel la France est engagée et sur lequel l’Europe est en train de s’orienter avec le programme « de la fourche à la fourchette ». C’est dans l’intérêt de tous de réduire la part des produits phytosanitaires. Notre approche de l’écologie doit être pragmatique et réalisable, qu’elle ne nous amène pas à des impasses. C’est pour cela que j’ai présenté, le 3 septembre dernier, le projet de loi qui permettra aux betteraviers et à la filière de faire face à la crise sanitaire de la jaunisse de la betterave. C’est aussi reconnaître avec humilité, que parfois, il n’y a pas d’alternative viable.

Recourir aux agroéquipements permet de diminuer significativement ces produits, c’est dans l’intérêt de tous. Après, il y a des cas où l’alternative n’existe pas : quand vous prenez la viticulture et qu’il y a un risque que le tracteur se retourne pour désherber, cela entraîne des questions qui relèvent même de la sécurité. Les questions sont parfois plus complexes à résoudre lorsque des objectifs écologiques peuvent venir se confronter les uns aux autres.

Pour moi, l’écologie, ce n’est pas quelque chose qui dénonce mais qui accompagne et cela nécessite d’avoir des visions claires. Nous savons par exemple que l’agriculture de conservation utilise un peu de glyphosate. Quel est le rôle d’un agriculteur en tant qu’acteur de la protection de la planète ? Est-ce un rôle lié d’abord à la captation du carbone que nous lui assignons, en tant qu’acteur citoyen de la lutte contre le changement climatique ? Ou est-ce que nous privilégions sa mission de réduire l’impact sur la biodiversité ?

L’écologie, ce n’est pas quelque chose qui dénonce mais qui accompagne et cela nécessite d’avoir des visions claires.

Parfois dans ce débat, nous souffrons du manque d’une telle vision. En tant que ministre de l’Agriculture, je pense que ce qui a beaucoup manqué depuis très longtemps, c’est de donner une vision claire. Ce qui m’importe le plus en agriculture, c’est le temps. L’agriculture doit se projeter sur le temps long. Le problème, c’est que les politiques publiques agricoles ont été depuis trop longtemps réglées sur du temps court. Il faut redonner un peu de temps long, avec une vision. C’est pour cela que dans tous mes propos, j’ai un attachement pour la souveraineté et l’indépendance sans oublier les problèmes du moment, comme ceux que nous avons connus avec la jaunisse de la betterave.

Vous avez promis une dérogation à l’interdiction d’utilisation du glyphosate pour l’agriculture de conservation, est-ce qu’il y en aura d’autres ?

Comme je l’ai déjà évoqué, il y a des injonctions écologiques qui viennent s’opposer les unes aux autres, c’est le cas de la fin de l’utilisation du glyphosate et de l’agriculture de conservation des sols. Sur le glyphosate, le président de la République s’est engagé sur l’arrêt des produits dès lors qu’il y a des alternatives. Nous sommes en train de travailler avec l’Anses et les acteurs concernés pour déterminer les cas pour lesquels les alternatives existent et les autres pour lesquels il n’y en a pas.

Les résultats d’une enquête que nous avons réalisée montrent qu’il y a déjà un tiers des exploitations qui ont arrêté et un tiers qui ont diminué leur utilisation de glyphosate. Cela montre bien que ces transitions sont là mais il faut savoir reconnaître quand il n’y a pas d’alternative et en tirer des conséquences. C’est ce nous avons fait face à cette crise majeure de la betterave. Sur le glyphosate, les travaux sont en cours et je communiquerai sur le sujet d’ici à la fin de l’année.

La nomination d’une conseillère « à la sortie de la dépendance aux produits phytosanitaires » a été mal vécue par les agriculteurs. Reconnaissez-vous une maladresse ?

Je suis quelqu’un de pragmatique et de bon sens. Je ne suis pas là pour jouer sur les mots. Personne ne souhaite être dépendant.

Sur les dérogations pour le glyphosate, les travaux sont en cours et je communiquerai sur le sujet d’ici à la fin de l’année.

Le plan de relance ne comprend pas de volet concernant la gestion de l’eau. Est-ce que cette question fait toujours partie de vos ambitions ?

Encore une fois ma politique ne se résume pas au plan de relance. C’est un des leviers. Sur le sujet de l’eau, ma vision est très claire : il n’y a pas d’agriculture sans eau. Il faut donc optimiser la gestion de la ressource. Cela peut passer par des agroéquipements pour améliorer l’irrigation et diminuer la dépendance à cette ressource qui se raréfie. Ce sont des points qui sont dans le plan de relance mais cela doit passer aussi par une réflexion sur les retenues d’eau, qu’elles soient individuelles ou collectives.

Les retenues individuelles fonctionnent très bien en élevage par exemple, et on doit pouvoir les accompagner. Le sujet des retenues collectives est très sensible. Pour moi il y a deux points essentiels : c’est davantage de concertation et de simplification. C’est cela qui permettra de faire plus de retenues en eau collectives.

La concertation est absolument nécessaire mais une concertation qui dure trop longtemps, en moyenne sept à dix ans, ça se finit mal. Nous travaillons avec Barbara Pompili et le Premier ministre sur la manière de simplifier l’instruction des demandes de créations de retenues. Il faut avancer dans la concertation et avec des simplifications.

Propos recueillis par Yvon Herry, Philippe Pavard et Marie Salset