Céréalier dans le Calvados, Gaylord Couture s'est engagé dans cette initiative notamment pour communiquer sur ses pratiques auprès du grand public. (©Pixabay)
Ils sont 36 agriculteurs à s’être lancés dans l’aventure « Contrat de transition glyphosate Normandie ». Depuis l’automne 2019, ils travaillent à ne plus utiliser de glyphosate sur leur exploitation agricole, avec le soutien de la région. Objectifs : poursuivre les efforts en faveur d’une réduction des usages de produits phytosanitaires et anticiper une possible interdiction totale de l’herbicide total à l’échelle européenne en 2022.
« Depuis plusieurs années, on entend dire que le glyphosate va disparaître », indique Denis Lamare, agriculteur à Valcanville (Manche) avec son épouse. Pour lui, le contrat de transition glyphosate représente l’opportunité « d’être accompagné pour apprendre à s’en passer progressivement ». « Plutôt que de subir, il faut mieux rentrer dans le vif du sujet », précise également Pascal Pelletier, éleveur à Montivilliers (Seine-Maritime) à la région, qui est déjà engagé dans une logique de réduction des doses d’herbicides et de fongicides depuis une dizaine d’année.
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Réduction de moitié la première campagne, puis complètement la seconde
Avec cette initiative, les 36 agriculteurs ont alors signé pour réduire de moitié de moitié leurs usages de glyphosate la première campagne (2019-2020) et complètement la seconde (2020-2021). En contrepartie, ils bénéficient d’une aide de la région de 80 €/ha, plafonnée à 8 000 € par exploitation, et de l’accompagnement d’un conseiller agricole afin d’identifier et d’expérimenter des alternatives à l’utilisation du glyphosate adaptées à leur exploitation : travail du sol (faux-semis, labour…), désherbage mécanique, utilisation du biocontrôle, etc.
Céréalier à Moyaux dans le Calvados, Gaylord Couture a également accepté de participer : « cela permet de communiquer sur nos pratiques auprès du grand public », témoigne-t-il. Fervent adepte des semis sans labour, il utilisait habituellement 1,5 à 2 l/ha de glyphosate à 15 jours avant les semis. À 3 €/l, cet herbicide représente une solution peu coûteuse, efficace, rapide pour lutter notamment contre les vulpins et ray-grass de plus en plus résistants dans son secteur. En s'engageant, l’agriculteur a donc dû revoir ses pratiques : il note l’importance d’une observation accrue de ses parcelles pour appliquer les bons leviers au bon moment.
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« Jouer la prudence »
Lors la campagne 2019-2020, les conditions climatiques automnales lui ont permis de faire deux à trois déchaumages superficiels (3-5 cm) selon les parcelles pour détruire les jeunes adventices, sans utiliser de glyphosate. « Cette pratique s’avère efficace, par exemple, sur des ray-grass au stade cheveu, voire 1 feuille ». Mais l’automne dernier, « il y a eu pas mal de précipitations dès la fin septembre, favorisant un fort développement des adventices ». Gaylord Couture a donc eu recours au labour pour tous ses semis d’escourgeon et de blé. Cette technique plus coûteuse (60 €/ha) et plus chronophage lui a demandé de réorganiser les chantiers de semis, l'agriculteur travaillant seul. Il précise : « avec des ray-grass à 3-4 feuilles, j’ai préféré jouer la prudence et éviter le risque de repiquage ». « Dans ce dernier cas, il faut labourer à la charrue, mais cela ne sera pas nécessaire chaque année, plutôt tous les 4 ou 5 ans », ajoute Philippe Langlois, conseiller agricole indépendant.
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L’agriculteur réfléchit également à tester d’autres alternatives, comme le désherbage électrique. Autre levier non négligeable dans la gestion des adventices : un assolement diversifié, avec des cultures d’hiver et de printemps. Sur 145 ha de cultures de vente, Gaylord Couture cultive ainsi blé tendre d’hiver, colza, lin textile de printemps, escourgeon, pommes de terre fécule et avoine de printemps. Il reconnaît : « on a la chance de pouvoir tout faire en limons profonds ». En lin textile, le glyphosate peut parfois être employé au moment du rouissage : « cela fait 4-5 ans que l'on réussit à s'en passer » note l'agriculteur. Mais il se pose des questions en cas d'année plus humide, « peut-être utiliser une souleveuse, qui permet de soulever et retourner le lin afin de ne pas favoriser la levée des adventices ».
Après ce contrat transition glyphosate, l'agriculteur, qui a obtenu récemment sa certification environnementale de niveau 3 (HVE), entend poursuivre dans ce sens et travaille en parallèle à la création d’une graineterie sur sa ferme, qui serait tenue par un salarié, qui pourra également l'accompagner dans la gestion des adventices.
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