Académie d’agriculture
Nous vivons une époque extraordinaire, et la pensée scientifique que l’homme a développée au fil des siècles en est responsable. On y rencontre trois ruptures, celle qui émerge chez les philosophes de la Grèce antique qui pensent que la nature est explicable, celle qui conduit à la démarche scientifique avec Galilée, montrant que le comportement macroscopique de la nature découle de lois théoriques, et enfin celle qui, aujourd’hui, nous amène à aborder l’infiniment petit pour tenter de comprendre la complexité de notre environnement.
La connaissance de la finitude de la planète réduit la terre à nos yeux. Au lieu de Gaïa, la mère nourricière, elle devient une petite chose fragile, qu’il nous faut sauvegarder. L’homme se sent coupable de l’avoir trop usée et même d’avoir abusé d’elle ; protéger l’environnement devient son cheval de bataille.
Les Cassandre surgies du passé ravivent des peurs ancestrales en prédisant la fin du monde. La société prend peur et la peur devient mondiale ; l’inquiétude, la morosité, s’étendent. Plus encore que les récriminations des jeunes qui reprochent à leurs parents de leur léguer, après en avoir abondamment profité, un monde déréglé, pollué, en désordre stérile.
L‘individu, aujourd’hui, est déboussolé par la hausse sans précédent de la démographie, par le débordement de pollutions de tous ordres, par l’accroissement incontrôlable des connaissances, et concomitamment par celui des fake news qui ne nous permettent plus de discerner le vrai du faux, mais aussi par la robotisation de notre vie quotidienne, par l’explosion des données personnelles qui gardent la trace de chacune de nos actions, conservées on ne sait où, et par la traversée au grand jour de notre vie privée dans les réseaux sociaux.
Comme au temps des bâtisseurs de cathédrales, où chacun voulait participer à la construction de l’édifice qui s’élance vers le ciel pour se rapprocher de Dieu, chacun veut aujourd’hui être partie prenante d’un retour à un Paradis terrestre, Paradis où la Terre serait propre, l’eau claire, où l’air fleurerait bon la nature, où la température ne connaîtrait ni hausse, ni baisse irréversible, où la biodiversité s’épanouirait en parfaite harmonie. Les ordres fusent de toutes parts pour expliquer ce qu’il faut faire. Les donneurs de leçons prennent la parole à tout moment mais ne veulent pas perdre leurs avantages acquis, et comptent égoïstement sur autrui pour faire ce qu’ils ne font pas.
C’est dans cette pagaille collective que s’est installé, de surcroît, le coronavirus qui parcourt la planète comme une vague solitaire, région après région, et porte la maladie, fléau dont la masse virale croît, enfle puis dégonfle, pour s’évanouir, sans que l’on comprenne encore pourquoi, avant d’atteindre la région suivante.
C’est dans ce contexte que l’agriculture, comme l’élevage, doivent reprendre leurs marques. C’est là que l’Académie d’agriculture a un rôle clé, un rôle d’équilibre. Elle intègre la maîtrise des technologies de pointe à de nouvelles approches qui visent à améliorer les rendements agricoles pour nourrir l’humanité tout entière. Elle recommande aussi, pour éviter la démesure, de mettre en place des garde-fous en phase avec la société. Les hommes doivent garder les pieds sur terre et ils ont besoin, pour réfléchir, de stabilité. Il n’y a pas d’un côté l’homme et de l’autre l’environnement, mais l’homme dans l’environnement. En ce sens, l’action que porte l’Académie d’agriculture au sein du Groupe interacadémique pour le développement (GID), sur le rôle et la sécurité des bassins versants en Méditerranée, est exemplaire.
Elle est aussi très impliquée dans le partenariat que développe le GID avec l'École Supérieure d'Agronomie de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, qui aide les jeunes agriculteurs africains à rendre leur continent autosuffisant quant à son alimentation.
Pour mieux vivre, il faut commencer par mieux se nourrir, et le faire avec plaisir. Il faut amplifier les relations entre ruraux et citadins, développer une agriculture en ville avec des cultures maraîchères encadrées par des immeubles qui côtoient des quartiers d'affaires. Cette agriculture ne sera certes pas suffisante pour nourrir la ville entière, mais elle engendre un « ordre vital » qui incite au respect de l’autre, et évite que la ville ne devienne inhumaine ; quand le respect de l’autre n’est plus, la violence s’empare des quartiers.
Cette mission, que porte l’Académie d’agriculture, est essentielle pour notre art de vivre de demain.
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