dimanche 10 janvier 2021

La future PAC sera-t-elle plus verte et plus juste ?


Académie d’agriculture de France

Avec 55 milliards d’euros chaque année, dont 9 milliards pour la France, la PAC reste la première politique européenne. Deux réformes l’ont profondément modifiée : l’abandon de la régulation des marchés et la mise en place d’aides directes à l’hectare à partir de 1992, leur découplage de la production à partir de 2005. La dernière réforme en 2013 instaure un verdissement sur des critères peu contraignants et les modalités d’attribution des aides restent liées aux hectares sans plafonnement ce qui favorise l’agrandissement au détriment de l’installation. Face à la montée des enjeux environnementaux, climatiques, économiques et sociaux, la future PAC 2021-2027 sera-t-elle plus durable et plus équitable ?

La Commission européenne a présenté ses propositions budgétaires et ses orientations pour la future PAC en juin 2018, espérant finaliser la réforme avant les élections européennes de mai 2019 et la nomination d’une nouvelle Commission. Mais la proposition d’un budget en baisse pour la future PAC est jugée inacceptable par le Parlement européen et une vingtaine de pays, dont la France, qui demandent le maintien du budget de la PAC. Ce qu’ils obtiennent en juin 2020 avec un budget de 387 milliards d’euros pour 7 années (291 pour le premier pilier et 96 pour le second pilier en intégrant les 7,5 milliards d’euros du plan de relance européen). Les négociations toujours en cours prévoient d’appliquer la nouvelle PAC en 2023.

Une PAC de moins en moins commune

Les objectifs de la Commission sont dans la continuité des réformes précédentes : assurer un revenu équitable aux agriculteurs, accroître la compétitivité, rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire, agir contre le changement climatique, protéger l’environnement, préserver les paysages et la biodiversité, soutenir le renouvellement des générations, dynamiser les zones rurales, garantir la qualité des denrées alimentaires et la santé.

L’important est ailleurs : les modalités proposées par la Commission se caractérisent par une subsidiarité accrue dans la définition et l’application de la PAC par les Etats membres, ce que la Commission appelle « un nouveau modèle de mise en œuvre ».

Concrètement, chaque Etat devra réaliser un diagnostic et élaborer un « plan stratégique » définissant ses modalités d’intervention pour réaliser les objectifs communautaires précisés dans le cadre du « Green Deal ou Pacte vert » et des stratégies « Farm to fork ou de la Ferme à la Table » et « Biodiversité » par la nouvelle Commission en mai 2020. Les plans stratégiques nationaux (PSN) seront validés par la Commission qui contrôlera leur réalisation. Les modalités pratiques de ce qui restera commun, notamment la conditionnalité des aides du premier pilier qui pourraient intégrer les mesures actuelles du verdissement, restent à ce jour en débat. Le risque étant que certains Etats cherchent à accroître leur compétitivité agricole en limitant au maximum les contraintes environnementales qui pèseront sur les agriculteurs.

La transition agroécologique au cœur de la future PAC

La seconde nouveauté proposée concerne la mobilisation du premier pilier pour inciter les agriculteurs à adopter des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement, au-delà des exigences minimales de la conditionnalité. Obligatoirement défini par chaque Etat cet

« Eco-scheme ou Eco-dispositif » serait volontaire pour les agriculteurs. Ces paiements pour services environnementaux devront répondre à des règles strictes : rester annuels, être découplés de la production et versés à l’hectare, ce qui limite fortement leur efficacité par rapport aux mesures agroenvironnementales contractualisées sur 5 années qui resteront dans le second pilier.

L’intérêt pour les Etats est de faire prendre en charge une partie des stratégies environnementales entièrement par le premier pilier. Le Parlement européen souhaite fixer une part minimale (30% du budget des aides directes) pour « l’Eco-scheme ». Concernant le second pilier, la Commission propose de consacrer au moins 30% de l’enveloppe à des mesures pour l’environnement et le climat qui devront être définies dans les PSN.

La future PAC accroît la subsidiarité et les marges de manœuvre des Etats dans sa mise en œuvre en renvoyant à chaque Etat membre la responsabilité de définir sa stratégie et ses moyens pour remplir les objectifs communautaires dans le cadre des PSN. Comme l’ont souligné nombre d’observateurs, cette PAC sera de moins en moins commune avec le risque d’accroître les distorsions de concurrence entre les Etats. Mais il y a aussi l’opportunité pour la France de définir et mettre en œuvre une véritable stratégie de transition agroécologique. Ainsi les propositions de la Commission se présentent comme un changement de stratégie politique qui vise à mettre les Etats membres face à leurs responsabilités environnementales, alimentaires et climatiques.

Toutes ces questions seront débattues lors de la séance du 13 janvier 2021 « Les nouvelles stratégies européennes (Green Deal, Farm to Fork, Biodiversité) et leurs conséquences pour la future PAC ».

Gilles Bazin, Animateur du groupe PAC de l’Académie d’agriculture de France, Professeur émérite AgroParisTech

> En savoir plus sur la séance hebdomadaire du 13 janvier prochain et y participer   

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