Auditionné jeudi 26 novembre 2020 par les parlementaires français, le ministre de l’agriculture a défendu la nécessité de la transition agroécologique tout en recadrant « ceux qui donnent des leçons de morale ».
« Dans la Pac, on va dire à nos agriculteurs d’ici 2027 entre 20 et 30 % de votre comportement devra une nouvelle fois basculer dans des mesures environnementales… Mais qui, dans sa vie de tous les jours, dans les cinq à sept prochaines années, va basculer 20 % de son quotidien dans des mesures environnementales ? »
Tout au long de son audition parlementaire, le 26 novembre 2020, Julien Denormandie, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation a martelé cette conviction qu’il a « chevillée au corps » : « Les transitions ne sont possibles que si on crée de la valeur. » Et de regretter une « erreur » : celle de ne pas associer agroécologie et création de valeur.
Question aux donneurs de leçons de morale
Rappelant que la création de valeur est « un truc concret » qui se lit sur le compte de résultat des exploitations, le ministre a fustigé les discours consistant à dire « de manière beaucoup trop facile : ne vous inquiétez pas, si vous faites de l’agroécologie vous allez créer de la valeur ».
Prenant l’exemple de la sortie du glyphosate, il a cité une étude de l’Anses faisant état d’un impact de 5 à 20 % sur l’EBE (Excédent Brut d’Exploitation) des exploitations. « Sortir du glyphosate ne crée aucune valeur pour un agriculteur. Ce n’est pas vrai. Il n’y a pas un consommateur qui paye plus cher parce qu’il y a marqué sortie du glyphosate ! »
Le ministre a donc invité les « gens qui nous donnent des leçons de morale à longueur de journée » à se projeter avec une perte de revenus de 20 % dans les trois prochaines années. Il est revenu à la charge un peu plus tard : « Ça ne questionne personne qu’une autorité indépendante dise : on va réduire l’EBE des exploitations de 5 à 20 % ? Mais dans quel secteur d’activité autre que l’agriculture on accepterait ça ? »
Créer de la valeur grâce au consommateur
Et pourtant, « la question n’est pas si on est pour ou contre l’agroécologie », a assuré Julien Denormandie,jugeant les agriculteurs « plus écolos que les écolos ». Et de témoigner : « Moi il y a 25 ans quand j’ai fait des études d’agronome c’est parce que je crois profondément à l’environnement. Mais l’écologie doit être une écologie de la raison, […] qui prend le sujet par le bon bout. » Et qui s’attaque donc à « la seule vraie question : comment on crée de la valeur ? »
Faute de marge de manœuvre sur la compétitivité-coûts, il faudrait créer de la « compétitivité hors coût », soit de la « création de valeur par le consommateur ». Mais « les mêmes qui disent ça, est-ce qu’aujourd’hui ils n’achètent que des choses au juste prix payé par le consommateur ? » a encore taclé le ministre. « Le seul message qu’on devrait dire à tous nos concitoyens, c’est : mangez des produits de l’agriculture française et acceptez de payer au juste prix. […] Elle est là la seule création de valeur », a -t-il affirmé.
D’un socle environnemental à un socle commercial
Reconnaissant que cela n’a de sens que si tout le monde joue avec les mêmes règles, le ministre a rappelé son combat pour un socle environnemental commun au sein de la Pac. Mais dans le même temps, il faut arrêter « la naïveté » qui consiste à oublier que les marchés sont mondialisés, a-t-il mis en garde.
« Le cours du blé, ce n’est pas un cours européen, c’est un cours mondial. Les concurrents du blé français ce n’est pas les blés européens c’est les blés ukrainiens… ». D’où la nécessité de protéger les agriculteurs européens. « À partir du moment ou on s’est mis d’accord sur un socle environnemental, il faut qu’on arrive à en faire un socle commercial, [ce qui nécessitera] un très gros travail à la fois sur les accords commerciaux et sur l’information des consommateurs ».
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