Une étude de l’Inrae et d’AgroParisTech, commanditée par le Parlement européen, juge qu’il sera extrêmement difficile d’atteindre les objectifs environnementaux et climatiques européens sans une inflexion très forte de la Pac.
Voilà une étude qui peut apporter de l’eau au moulin de la Commission européenne, engagée dans un bras de fer avec le Conseil et le Parlement européen pour aligner la Pac sur les objectifs du pacte vert européen (green deal).
Tensions entre les institutions
Il y a une dizaine de jours, le vice-président Frans Timmermans soulevait un tollé en laissant entendre que Bruxelles pourrait retirer sa proposition de réforme sur la Pac, à moins que le Parlement européen et le Conseil ne relèvent leur niveau d’ambition environnementale.
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Tout en recadrant sèchement la Commission, dont le rôle dans les trilogues est de « faciliter les négociations » et non de les faire échouer, la présidence allemande du Conseil a réfuté ces accusations. « Je rappelle que sur certains points, le Conseil est allé plus loin que la Commission dans l’ambition environnementale, par exemple, en affectant aux écorégimes un pourcentage minimum de l’enveloppe du premier pilier », a argué la ministre allemande Julia Klockner, lors du conseil informel du 16 novembre 2020.
Pas convaincue, la Commission a publié le lendemain un document listant, point par point, les écarts entre la cible fixée par le pacte vert et les positions des deux colégislateurs (Parlement et Conseil). Elle a rassuré sur ses intentions : non, elle ne retirera pas la proposition de réforme sur la Pac, sur laquelle le Parlement européen et le Conseil ont planché deux ans et demi avant d’arrêter leur position. Mais elle n’entend pas être un simple « courtier » dans les négociations, et continuera à pousser les objectifs du pacte vert, insiste-t-elle dans le même document.
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Faire évoluer aussi les habitudes alimentaires
Le 23 novembre, c’est une étude commandée par le Parlement européen qui l’affirme : « L’agriculture dans l’Union européenne est loin de répondre aux objectifs du pacte vert pour l’Europe. Rendre la Pac post-2020 compatible avec les objectifs du pacte vert pour l’Europe nécessite des changements majeurs dans les propositions de la Commission de juin 2018 », insistent les auteurs, chercheurs à l’Inrae et à AgroParisTech. Les évolutions prônées sont de deux ordres : sur les systèmes de production et sur les habitudes alimentaires.
Les auteurs de l’étude appellent ainsi de leurs vœux une refonte des systèmes agricoles « pour qu’ils reposent davantage sur les cycles biologiques et moins sur les intrants chimiques externes ». Outre un accompagnement et des innovations techniques, cette refonte nécessite un soutien public et une volonté politique forte, « afin de créer les bonnes incitations pour les producteurs ». Mais il est parallèlement nécessaire de « modifier les habitudes alimentaires pour des raisons sanitaires, climatiques et environnementales », estiment les auteurs de l’étude.
Des indicateurs de suivi à améliorer
Dans le cadre des négociations actuelles, l’étude soutient que la Pac ne pourra répondre aux enjeux du pacte vert qu’à condition de renforcer la conditionnalité, de mieux cibler les écorégimes et de les compléter par des mesures ambitieuses sur le second pilier. Mais en l’état actuel des textes, il sera de toute façon très difficile, voire impossible de suivre la réalisation des objectifs, faute d’indicateurs pertinents et facilement mesurables, notent les auteurs.
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