Dans le rapport qu’elle a consacré aux nitrites dans la charcuterie, l’Institution en profite pour montrer que la science s’est complètement renversée à l’échelle internationale vis-à-vis des nitrates et de la santé. L’Anses est saisie de cette question depuis cinq ans mais n’a toujours rien sorti…
« Si l’effet bactéricide des nitrites provenant des nitrates est bien connu, d’autres effets bénéfiques pour la santé, plus récemment mis en évidence, le sont moins. » A l’occasion d’un rapport consacré aux nitrites dans la charcuterie, l’Académie d’agriculture en a profité, sans tambours ni trompettes, et au détour de deux pages sur 82, pour montrer qu’il y a un renversement de la science à l’égard de ces diables de nitrates !
Cela n’étonnera pas nos lecteurs puisqu’en 2013, nous en avions déjà fait état lors d’une contre-enquête (15 mars 2013). Quelques mois avant nous, le magazine Science et Vie (octobre 2012), avait titré à l’époque en couverture : « Nitrates, attention, ils sont bons pour la santé ! ».
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Un rôle dans le cadre cardio-vasculaire
L’Académie explique dans son rapport que cela repose sur la découverte dans l’organisme humain du NO, l’oxyde nitrique ou monoxyde d’azote, et sur son rôle important dans le cadre cardio-vasculaire. Cela a d’ailleurs valu le prix Nobel de médecine en 1998 aux trois découvreurs : Furchgott, Ignarro et Murad.
Nitrate, nitrite et NO sont en relation métabolique étroite. « L’omniprésence de NO et sa grande réactivité résultent d’une production permanente par l’organisme, selon deux mécanismes bien distincts, détaille l’Académie. L’un implique le métabolisme de la L-arginine, dont le rendement est variable avec l’âge et l’état de santé. Alors que l’autre, mis en valeur ces dernières années (1992 NDLR), est particulièrement lié aux réserves en nitrite et aux apports alimentaires de nitrate ».
Le rapport précise que « non seulement l’innocuité des nitrates alimentaires est bien documentée depuis plusieurs décennies (voir L’Hirondel et al., 1993), mais leurs nombreuses fonctions physiologiques décrites par Bryan et al. (2007) sont aussi maintenant bien établies. La plupart de ces fonctions ont comme étape intermédiaire la formation de monoxyde d’azote et son effet vasodilatateur. »
Couteau-suisse de la santé
Le NO y est décrit comme un véritable couteau suisse de la santé : « NO est impliqué dans la régulation de la circulation sanguine et la prévention des maladies cardio-vasculaires avec, notamment, la lutte contre l’hypertension, la vasodilatation et le maintien de l’élasticité des artères, la prévention de l’athérosclérose et des thromboses, et par conséquent des risques d’infarctus et de pathologies vasculaires cérébrales, et même de syndrome métabolique. NO n’agit que sur les fibres musculaires lisses, en particulier celles des parois vasculaires, plus particulièrement celles des coronaires et des bronchioles. »
Toutes ces propriétés thérapeutiques sont décrites dans une revue exhaustive sortie en juillet 2020, coécrite par des membres du William Harvey Research Institute, Barts and The London School of Medicine and Dentistry (Queen Mary University London), un centre de recherche de classe mondiale (Kapil et al., 2020).
« Les effets bénéfiques ont été confirmés par l’exploitation des données de la grande étude épidémiologique américaine NHANES (Mendy, 2018) montrant que l’excrétion urinaire de nitrates (reflet de leur ingestion) est fortement associée à une plus faible prévalence de l’hypertension, des accidents cardiovasculaires et de la mortalité, sans relation avec la prévalence des cancers poursuivent les auteurs du rapport académique.
Cela ne figure pas dans le rapport mais le NO est un moyen de lutte testé à grande échelle aux États-Unis pour lutter contre le Covid-19. Plusieurs essais cliniques sont en cours avec du NO inhalé, notamment au Massachusetts General Hospital de Boston. Lundi 26 octobre 2020, la FDA a donné son autorisation à un essai auprès de 840 patients Covid-19, de moins de 72h, d’un comprimé expérimental de 30 mg de nitrite de sodium (NOviricid), capable au final là aussi de générer du NO. Deux équipes distinctes (Université d’Uppsala et Université Ben Gourion) ont montré — in vitro — l’effet virucide du NO. La piste est donc très sérieuse mais doit être confirmée in vivo pour conclure.
Le sport aussi…
Mais il n’y a pas que la santé. Le sport est aussi concerné par ces découvertes.
« NO contribue à l’amélioration des performances physiques et sportives, observée sur l’endurance, la puissance physique, la moindre consommation d’oxygène et la capacité de récupération après l’effort. Enfin, la physiologie rénale implique la présence de NO qui permet d’entraîner une vasodilatation et donc d’augmenter le débit sanguin rénal.
Plusieurs auteurs ont mis l’accent sur ce rôle favorable des nitrates, allant jusqu’à les classer dans la catégorie des nutriments (Archer, 2002 ; Katan, 2009 ; Hord et al., 2009 ; Bourre et al., 2011 ; Bryan et Ivy, 2015).
Ces rôles bénéfiques des nitrates, précurseurs des nitrites et de NO, font toujours l’objet de recherches actives au Karolinska Institute en Suède (Lundberg et al., 2018 ; Carlström et al., 2018).
Le rapport rappelle qu’« en fait, la consommation de légumes (qui apportent en moyenne près de 80 % des nitrates ingérés) est systématiquement recommandée pour la prévention de diverses pathologies par les nutritionnistes, les instances sanitaires internationales comme l’Efsa et d’autres structures gouvernementales ».
En janvier 2015, l’Anses a fait l’objet d’une saisine (enregistrée sous le numéro 2015-SA-0029) par la FNSEA et par la Coordination rurale, chacune de façon distincte, pour faire la lumière sur les nitrates et la santé. Eaux et Rivières de Bretagne avait demandé dans la foulée qu’elle soit étendue à l’environnement. À ce jour, plus de cinq ans après, l’Agence n’a toujours rien sorti…
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