Le groupe EDS (Écologie, démocratie, solidarité) avait une journée, le 8 octobre 2020, pour débattre de cinq propositions de loi, dont une visant à améliorer les conditions de vie des animaux, portée par Cédric Villani. Cela s’appelle une niche parlementaire. Et conformément à l'article 50, alinéa 4 du règlement de l’Assemblée nationale, elle a pris fin à minuit.

Les débats menés sur la première proposition de loi destinée à renforcer le droit à l’avortement ont duré une bonne partie de la journée. Les discussions sur le texte relatif à la condition animale ont ainsi commencé à 22 heures pour prendre fin à minuit. Les débats n’ont porté que sur le premier article de la proposition de loi.

« De la même façon qu’à minuit le carrosse de Cendrillon redevient citrouille, la proposition de loi disparaîtra, pour l’instant…, a déploré peu avant minuit le député Cédric Villani, chargé de conclure les débats. Elle reviendra dans une prochaine niche ou sous la majorité… Mais en tout cas, pour cette fois-ci, il n’y aura pas d’adoption. »

Le débat reviendra à l’Assemblée, promet le gouvernement

« Ce soir nous avons mesuré l’importance de ces sujets, a sitôt répondu la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, Bérengère Abba. La passion aussi qui s’en dégage... Mais l’attente de nos citoyens sur ces sujets montrent que ces débats doivent avoir lieu. Le gouvernement l’a pleinement mesuré ce soir, et nous serons donc attachés à accompagner cette réflexion et à ce qu’elle ait lieu dans cet hémicycle. »

« Nous voulons aller plus loin sur les animaux de compagnie, et avec les filières, sur la question de l’élevage, a précisé de son côté la député LREM, Aurore Bergé. Mais nous souhaitons le faire dans le cadre d’un débat apaisé, conciliant l’identité des territoires et les aspirations citoyennes. »

L’élevage au cœur du débat et des clivages

« Je ne sais ce qu’il faut penser de cette journée, a repris, très en colère, Cédric Villani. Nous avons vu à quel point les débats ont duré. Et nous avons vu toutes les ficelles utilisées pour faire durer les débats, y compris les rappels au règlements, les prises de position multiples... En deux heures de travail parlementaire ce soir, nous avons réussi à adopter un article sous le regard d’associations et de personnes pour qui le sujet sur lequel nous discutons ce soir, compte. »

« Et sur cet article qu’avons-nous eu ? a-t-il poursuivi. Des débats pour ou contre l’élevage. Mais est-ce que vous avez vu cette proposition de loi quand vous vous êtes mis à évoquer des sujets aussi variés que la fin de l’élevage, de l’abattage rituel ou encore le broyage des poussins ? Tout cela au sujet d’un article premier sur la constitution d'un comité de suivi. Quelle image donnons-nous de notre efficacité à la société qui attend que le parlement débatte de façon instruite ? »

Un article premier tronqué, adopté

À l’origine, l’article premier de la proposition de loi visait à la création d’un fonds de soutien à la transition. Mais débattu en commission des Affaires économiques le 1er octobre 2020, ce fonds avait finalement été transformé en comité de suivi. Plus question d’argent, mais decontrôle de l’application des dispositions de la proposition de loi par trois sénateurs et trois députés. L’article ainsi complètement modifié, a été adopté, le 8 octobre 2020, par 63 voix contre 24. C’est le seul.

Interrogée sur la suppression de ce fonds de soutien, la secrétaire d'État à la biodiversité a fait valoir son manque de souplesse. « Quand on est sur des sujets transversaux qui relèvent de différentes lignes budgétaires et de différents ministères, il est essentiel de conserver de la souplesse », a-t-elle indiqué avant de rappeler les moyens déjà engagés sur le bien-être animal, notamment au travers du le plan de relance.

Le spectre des multinationales …

Durant les deux heures de débat, les fabricants de substituts de viande à base de végétaux et de viande cellulaire ont été cités à plusieurs reprises. Le député (gauche démocrate et républicaine) Hubert Wulfranc s’est notamment indigné de « voir plusieurs personnalités milliardaires et champions de la viande artificielle, manipuler la sensibilité de nos citoyens. Il y a une déstabilisation de la société qui se fait sur le dos des paysans. »

… et les faux électeurs de L214

Pascal Brindeau du groupe UDI, s’est dit également révolté par les méthodes de L214 autour de ce débat. « Le bien-être animal est une cause sur laquelle beaucoup de nos concitoyens sont sensibles dès lors qu’on ne les trompe pas sur les objectifs réel qui sont poursuivis. Ici, je veux dénoncer les méthodes du lobby L214, qui non content d’intimider nos agriculteurs-éleveurs, parfois par la violence, en tous les cas, dans l’illégalité, intimide aussi les parlementaires en envoyant, par des robots, des dizaines et des dizaines de mails, à partir de noms d’électeurs de nos circonscriptions. Or, j’ai fait vérifier un certain nombre de noms qui étaient au bas des messages. Toujours les mêmes. Mais ces électeurs n’existent pas, ils ne sont pas inscrits sur nos listes électorales. »

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« Nous sommes en présence d’une méthode utilisé par un lobby dont nous connaissons les financements que je dénonce, a ajouté le parlementaire du Loir-et-Cher. Ce sont des financements étrangers d’entreprises américaines dont le seul objectif est d’interdire demain la consommation de viande en France, de tuer notre agriculture, de tuer notre élevage. Ca n’est pas acceptable. Et malheureusement, quand vous inscrivez une proposition de loi comme celle-ci, vous prêtez le flanc au mélange des genres, à la confusion chez nos concitoyens entre le bien-être animal et les objectifs poursuivis par ces lobbys. »

Le suicide instrumentalisé par le député Lachaud

Le député Cédric Villani s’est alors justifié balayant d’une main « les craintes que l’on pourrait avoir sur la façon dont le débat pourrait être pris en otage par des intérêts financiers des multinationales », et soulignant, de l’autre, son attachement aux éleveurs : « Jamais je n'aurai un mot contre nos éleveurs, bien au contraire. Sur cent euros dépensés dans l’industrie agroalimentaire, seuls six euros reviennent à l’agriculteur. Si nous n’accompagnons pas nos filières, si nous ne discutons pas ensemble d’un projet de société, nous ne sortirons jamais du dialogue de sourds. »

Et ce chemin risque d’être très long. Le député de la France insoumise, Bastien Lachaud qui s’était introduit en tout illégalité dans un élevage en mai 2019 en compagnie de militants de L214, a réitéré ses attaques contre l’élevage et « les fermes usines », durant le débat. Pour défendre sa position, le parlementaire de la Seine-Saint-Denis s’est systématiquement appuyé sur les images de L214 ou les chiffres du suicide en agriculture.