Pour légiférer et améliorer la réponse judiciaire face aux intrusions en hausse dans les exploitations, celles-ci doivent être davantage dénoncées, pointent des parlementaires, qui incitent les agriculteurs à porter plainte.
Le nombre de plaintes déposées par les agriculteurs victimes d’intrusion dans leur exploitation est très faible par rapport au nombre d’entraves effectives. À titre d’exemple, la direction générale de la gendarmerie nationale note que, sur 15 000 infractions constatées dans les fermes au 1er novembre 2019, seules 49 intrusions pour des motifs militants ont été dénombrées, en majorité dans les élevages.
« C’est une infime partie de l’iceberg », en déduisent les auteurs du rapport de la mission parlementairevisant à évaluer la réalité des phénomènes d’entraves sur certaines activités légales, paru fin janvier.
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Sous les radars
« Le nombre d’intrusions est sous-évalué. Le phénomène passe sous les radars en raison du manque de plaintes », souligne le député de l’Aude, Alain Péréa (La République en marche), l’un des coauteurs du rapport.
Or, l’augmentation du nombre des délits et leur radicalisation qui s’étend, au-delà de l’élevage, à l’usage des produits phytosanitaires et plus récemment aux activités de méthanisation, font craindre aux rapporteurs que « la situation dégénère, observe la députée vendéenne, Martine Leguille-Balloy (LREM). Nous avons constaté un décalage très net entre le ressenti sur le terrain et une relativisation du phénomène par les pouvoirs publics, malgré la mise en place de la cellule Demeter. Les agriculteurs doivent porter plainte. C’est la seule façon d’améliorer la réponse pénale face aux entraves exercées par les militants, en particulier animalistes. »
Les exploitants auditionnés lors de la mission ont expliqué redouter d’« attirer la mauvaise publicité » en déposant plainte. La faiblesse des sanctions oriente aussi leur choix. Les responsables sont rarement retrouvés, et plus de la moitié des affaires d’entraves n’ont été suivies que d’avertissements, rapporte la direction des affaires criminelles du ministère de la Justice. « C’est encore une fois en portant plainte que cette réponse va s’améliorer, nous ont indiqués les procureurs », insiste Martine Leguille-Balloy.
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Renforcer les sanctions
La justice dispose cependant déjà d’outils pour faire face à ces attaques. La jurisprudence permet, par exemple, « de sanctionner toute action ou abstention qui rend plus difficile l’exercice normal du travail, sans que l’exercice de l’activité soit pour autant entièrement paralysé », rappelle Romain Ollard, professeur de droit pénal et de sciences criminelles.
Mais ces dispositions ne sont pas utilisées, selon les rapporteurs, bien que la direction des affaires criminelles ait invité les parquets, par une dépêche du 22 février 2019, à des poursuites sur ce fondement. Pour les députés, la dépêche doit à nouveau être transmise aux parquets.
L’arsenal pénal doit également être complété, estiment-ils, car les spécificités agricoles n’y sont pas assez prises en compte, notamment les risques sanitaires, ou l’intrusion sur des lieux souvent ouverts que sont les exploitations.
À l’encontre des images mises en ligne, en prolongement de ces intrusions, les députés défendent l’introduction dans le code pénal d’un délit punissant d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende la provocation à la discrimination à l’encontre d’une personne du fait de son activité professionnelle. « Il n’est pas possible qu’une minorité prenne en otage le reste de la société », prévient Alain Péréa.
Les syndicats divisés
Sur le dossier, les syndicats agricoles sont divisés. La Confédération paysanne indique s’opposer aux intrusions illégales dans les exploitations, mais défend l’idée de lanceurs d’alerte « dans certains cas extrêmes d’industrialisation de l’agriculture », commente son porte-parole, Nicolas Girod, citant la ferme des 1 000 vaches ou l’action des faucheurs d’OGM.
La FNSEA, qui rencontre le 20 février 2020 le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, et la Coordination rurale ont salué le rapport des parlementaires. Ces deux derniers syndicats incitent à déposer plainte pour que puisse être qualifié et réellement défendu le délit d’entrave sur les exploitations, devant le Parlement et les parquets.
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