vendredi 12 février 2021

FONCIER Ils ont trouvé la combine pour mettre la Safer hors jeu


Foncier - Ils ont trouvé la combine pour mettre la Safer hors jeu
Les rachats de terres agricoles sous forme de cessions de parts sociales s’opèrent le plus souvent au double du prix du marché classique. © C. Sarrazin - LA FRANCE AGRICOLE

Les cessions de terres agricoles via les rachats de parts sociales ont doublé en quatre ans dans la région Paca. Évincée des transactions, la Safer dénonce la hausse des prix.

« Le phénomène a explosé, s’alarme Max Lefèvre, directeur général délégué de la Safer Paca, à propos des ventes de terres agricoles via les cessions de parts sociales. Ce marché a doublé en quatre ans dans notre région. » Au point qu’en 2019, le montant de ces transactions a atteint l’équivalent de l’activité de la Safer sur l’année, soit 162 millions d’euros.

À lire aussi : Loi foncière, qui serait concerné par le contrôle instruit par les Safer ? (03/02/2021)

Des investisseurs à la manœuvre

« Des investisseurs ont compris le moyen de contourner notre organisme, poursuit-il. Ils n’achètent qu’une partie des parts de la société propriétaire des terres, 90 % par exemple, ou s’emparent de 80 % des parts de la société d’exploitation, ce qui les exonère de la demande d’autorisation d’exploiter. Puis, ils rachètent les terres en tant que fermier en place. »

Problème : ces opérations s’effectuent au double du prix du marché classique. Le prix d’un hectare de verger dans les Alpes-de-Haute-Provence peut ainsi s’envoler à 30 000-35 000 €. En Camargue, ces rachats peuvent atteindre 25 000 €/ha.

« Désormais, ce sont 5 à 6 domaines viticoles par an qui s’échangent sous cette forme, complète Max Lefèvre. Ce qui a pour conséquence de renchérir le prix des terres agricoles. Nous estimons l’impact entre 20 et 30 %. »

Or, la pression foncière est déjà forte : « Pour preuve, chaque année, la Safer effectue 300 préemptions en révision de prix. Les cessions sous forme de parts sociales accentuent un peu plus l’inflation existante et pénalisent l’accès des jeunes au foncier. »

Consultez le prix des terres agricoles de votre commune

Les fermes modestes lésées

Ces rachats empêchent aussi de renforcer des exploitations modestes. En 2015, un entrepreneur d’Istres (Bouches-du-Rhône) a ainsi mis la main sur plus de 800 ha en Camargue pour cultiver du riz. « Nous aurions pu consolider 6 ou 7 exploitations alentour », se désole le responsable de la Safer.

Face à l’ampleur du phénomène, le député Jean-Bernard Sempastous (LREM, Hautes-Pyrénées) doit bientôt déposer une proposition de loi plutôt bien accueillie par les syndicats agricoles. Ces cessions avec rachat partiel des parts seraient désormais soumises à l’agrément du préfet.

La Safer Paca tente de tester ce dispositif dans une affaire en cours dans les Alpes-de-Haute-Provence. Une structure qui possède un millier d’hectares de vergers s’apprête à acquérir 150 ha supplémentaires. Le dossier est, pour l’instant, à l’arrêt.

Chantal Sarrazin

« Il faut changer la loi »

Pour Thomas Chaullier, président des JA des Bouches-du-Rhône, « ces ventes de terres agricoles échappant à la Safer sont devenues préoccupantes. Il est indispensable de changer la loi. Nous avons travaillé pour trouver des solutions dans le cadre de la loi foncière. Mais celle-ci a été remisée à plus tard. »


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