Ce 22 février 2021, Véronique Laby, éleveuse à Brignais dans l’agglomération lyonnaise, est venue « manifester son mécontentement » : avec Micha, une vache limousine, descendue d’une remorque garée sur un terre-plein des quais du Rhône, elle s’est installée non loin de l’Hôtel de Ville. Comme elle, plusieurs dizaines d’agriculteurs sont venues en tracteur avec quelques vaches pour protester contre le menu sans viande imposé dans les cantines scolaires par la mairie dirigée par Grégory Doucet (Europe Écologie les Verts (EELV)) en raison des contraintes sanitaires.

Une dizaine d’agriculteurs sont venus à Lyon en tracteur ©FDSEA 69 sur Facebook

Gérard Darmanin et Julien Denormandie montent au créneau

La mesure prise par la mairie lyonnaise a largement fait réagir les membres du gouvernement. Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation a appelé à arrêt de « mettre de l’idéologie dans l’assiette de nos enfants ! ». Il demande de donner aux enfants ce dont ils ont besoin pour grandir et « la viande en fait partie ». Il a d’ailleurs saisi le préfet du Rhône.

Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, s’est également saisi de l’affaire. Il estime qu’il s’agit d’une « insulte inacceptable aux agriculteurs et aux bouchers français ». Il juge également que « la politique moraliste et élitiste des « Verts » exclut les classes populaires. De nombreux enfants n’ont souvent que la cantine pour manger de la viande. »

Une mesure « temporaire »

Pour se défendre, la mairie explique qu’à la demande de l’Éducation nationale, elle doit respecter deux mètres de distance entre les enfants à la cantine, ce qui revient à faire manger moins d’élèves en même temps.

Elle indique aussi que le recours temporaire à un menu unique sans viande, est « le plus petit dénominateur commun » entre les goûts, les habitudes ou les interdits alimentaires des enfants. L’objectif : simplifier le service afin que tous les 29 000 repas quotidiens puissent être servis.

Le protocole sanitaire un « prétexte » ?

Mais l’argument ne passe pas auprès des éleveurs. « Faut pas se laisser berner : autour de Lyon, des enfants mangent aussi à la cantine et ils ont le choix », rétorque Véronique Laby. « L’argument du protocole sanitaire, c’est un prétexte derrière lequel ils se cachent pour mettre en œuvre leur promesse électorale d’un menu végétarien », abonde Pascal Girin, président de la FDSEA du Rhône, qui a appelé à manifester. « Viande de nos prés = enfants en bonne santé », clamait une banderole des manifestants.

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Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, a, de son côté pris le contre-pied de ses deux collègues du Gouvernement d’Emmanuel Macron, pour défendre la mesure prise par la maire de Lyon. Lors d’un déplacement en Charente, elle a regretté que « sur ce sujet, on retombe dans un débat préhistorique ».

Et d’ajouter les « clichés éculés, du type “l’alimentation végétarienne serait une alimentation déséquilibrée”, alors qu’on sait que la viande peut être remplacée par du poisson, des œufs, des légumineuses qui apportent toutes les protéines nécessaires ». Sur Twitter elle a même fait la promotion d’un menu végétarien « équilibré » servi aux enfants de Saint-Denis-d’Oléron.

Une mesure déjà prise au printemps dernier

Pour l’heure, le menu imposé à Lyon comporte œufs et poisson, répond la mairie en rappelant que la précédente municipalité — dirigée par Gérard Collomb — avait fait le même choix à la sortie du premier confinement. Personne n’avait alors réagi.

« On ne l’avait pas su et puis on était dans un autre contexte, peu d’enfants étaient revenus à l’école », justifie l’agricultrice. L’opposition de droite souligne aussi que « la configuration était différente » et qu’on peut « difficilement suspecter Gérard Collomb d’avoir à l’époque adopté une quelconque posture idéologique sur ce sujet ». « Le protocole sanitaire du printemps n’était pas plus exigeant. Au contraire, il l’était moins », répond le maire EELV de Lyon Grégory Doucet.

Gérard Collomb, venu voir les manifestants, explique de son côté la polémique d’aujourd’hui par « un discours double », entre justification sanitaire et volonté de réduire la consommation de viande.

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La mairie compte en effet proposer « une alternative végétarienne » courant 2022, à l’échéance du contrat de restauration scolaire détenu actuellement par le groupe Elior, tout en développant des filières d’approvisionnement local, y compris pour les produits carnés.

Une délégation d’éleveurs a été reçue à la mi-journée en mairie.

Marie-Astrid Batut avec AFP