Quelle est votre perception de l’agriculture ?

Fanny Rey : Je pense qu’il faut la soutenir. C’est d’autant plus important dans cette période de crise. On parle beaucoup des restaurateurs mais il ne faut pas oublier ce maillon de la chaîne qui est là au quotidien et qui est aussi en alerte. L’agriculture, c’est la base de la chaîne alimentaire et l’avenir de nos enfants. Si on ne la soutient pas, où va-t-on ?

Comment choisissez-vous les agriculteurs qui fournissent votre restaurant l’Auberge de Saint-Remy ?

On se déplace beaucoup avec Jonathan mon compagnon, tous les deux, ou avec nos enfants, pour leur transmettre la valeur des bonnes choses. Nous ne sommes pas natifs de la Provence, donc nous sommes constamment en recherche pour découvrir les producteurs autour de nous. C’est une grande chance pour une cheffe d’être dans une région comme celle-ci avec tout à portée de main. Nous avons de la terre, des lacs, des rivières, la Camargue, qui est riche de diversité. Nous faisons aussi très attention à la Méditerranée. Nous les chefs, nous avons aujourd’hui un rôle primordial pour la préservation de la biodiversité et nous devons vraiment jouer le jeu.

Un bon producteur, c’est avant tout un passionné.Fanny Rey

Quelle relation entretenez-vous avec eux ?

C’est avant tout une histoire d’amitié. Je pense que le rapport humain est primordial dans l’élaboration d’une recette. Pour moi, sans contact humain la cuisine n’est rien. Le travail avec les producteurs commence forcément par une rencontre. Je ne conçois pas du tout le travail sans contact humain. Je vais voir leur univers ; pour moi, c’est important de le connaître. Eux aussi, ils viennent voir notre façon de travailler, notre cuisine, notre philosophie. C’est vraiment un contact privilégié.

Quels sont leurs profils ?

Les agriculteurs qui nous fournissent ont tous un point commun, c’est l’amour du métier, la transmission, la passion. C’est aussi la volonté de faire bien et de faire mieux pour demain. Ce sont par exemple des amoureux de leurs bêtes. Là, je pense particulièrement à Catherine et Bernard Poujols qui élèvent des canards en Camargue. Ils ont une vraie passion pour l’animal et la riziculture, ils sont avant tout producteurs de riz et l’élevage de canards leur permet de désherber leur rizière de manière plus écologique. Un bon producteur, c’est avant tout un passionné. J’aime discuter avec eux, car on voit dans leurs yeux l’amour de leurs produits, on voit qu’ils les ont bichonnés. On voit aussi la transmission de génération en génération de l’amour des produits.

Un bon produit, ça peut être aussi simple qu’un artichaut cueilli très tôt le matin.Fanny Rey

Pour vous, qu’est-ce qu’un produit de qualité ?

C’est un produit de saison, un produit qui a été bichonné et bien traité. C’est notamment important pour les animaux car sinon le produit n’est pas de grande qualité. Un bon produit, ça peut être aussi simple qu’un artichaut cueilli très tôt le matin et déposé dans un panier pour arriver à l’auberge. C’est un de mes bonheurs de voir arriver tous ces trésors au petit matin. C’est un des moments les plus intenses de ma journée.

Quelle est pour vous l’importance de la saisonnalité ?

La saisonnalité, c’est obligatoire. Il y a quatre saisons mais je dis toujours qu’il y en a douze. Dans mon territoire, la nature change constamment. Il y a de très bons produits qui vont durer quinze jours et ensuite un nouveau trésor va arriver. Ce que l’on veut servir à nos clients, c’est ça. La cuisine doit avoir le sens de la générosité mais aussi le sens des bons produits au bon moment avec le savoir-faire de nos artisans.

Propos recueillis par Marie-Astrid Batut