La collection est inestimable. Tournés de 1947 à 1978, les films du cinéaste agronome, Armand Chartier, ne se regardent pas comme de vieilles cartes postales, mais bien comme des documentaires à l’affût des enjeux et des mutations agricoles. Le réalisateur rend compte avec précision du quotidien des agriculteurs et de leur famille. Décédé en 2002, cet enfant de maquignon et d’institutrice du Doubs a dirigé pendant plus de trente ans le service cinéma du ministère de l’Agriculture, il a aussi tourné ses propres films.

Issu de la série « La Voix », le court-métrage « Marie-Louise » raconte l’histoire d’une jeune femme, dont les parents élevaient quelques vaches et poulets de Bresse, devenue à force de persévérance membre de la chambre d’agriculture de son département et responsable des Aides familiales rurales (tournage en 1970). Armand Chartier à gauche. © DR

La création d’une Cuma dans le Jura en 1947, l’arrivée de la machine dans les champs de betteraves en 1951, la création d’une association syndicale de drainage en Seine-et-Marne en 1952, le gavage des oies dans les Landes en 1959, le remembrement de villages finistériens en 1964, etc. : ces passionnants reportages, d’une vingtaine de minutes chacun, étaient autrefois projetés aux agriculteurs lors de soirées organisées dans les foyers ruraux, dans toute la France.

Armand Chartier et son équipe sur le tournage du film « L’étape du remembrement », dans le Finistère, en 1964. (DR)

Chirac et Pisani en cinéphiles

« Le choix de ses reportages dépendait beaucoup du ministre de l’Agriculture en place, raconte sa fille, Pascale Deleule, aujourd’hui cheffe-monteuse. Jacques Chirac, par exemple, a été très sympa avec lui, même s’ils ne partageaient pas les mêmes idées. Il s’intéressait vraiment aux films et à la cinémathèque, il l’encourageait. Edgard Pisani a aussi été très bien avec lui. »

Les archives du service de la cinémathèque du ministère de l’Agriculture abritent désormais 2 500 films français et étrangers. © DR

Les soixante courts-métrages d’Armand Chartier sommeillaient dans les archives du ministère. Pour rendre hommage au monde agricole et à son père, Pascale Deleule vient de confier son oeuvre à Edouard Bergeon, après avoir vu son film « Au nom de la terre ». A partir du 18 décembre 2020, le Poitevin diffusera ainsi, sur sa chaine en ligne, CultivonsNous.tv, treize premiers courts-métrages, traitant de façon avant-gardiste, du destin d’agricultrices et de filles d’agriculteurs dans les années 1970.

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Rosanne Aries