Un projet de loi a été déposé à l'Assemblée nationale le 14 décembre 2020 visant à interdire les additifs nitrés dans les salaisons à compter du 1er janvier 2023. Un groupe de députés du Mouvement des démocrates et Démocrates apparentés, emmené par Richard Ramos, en est à l’origine. 

Les produits concernés par cette première date d’interdiction seraient « ceux à base de viande non traités thermiquement (produits salés ou saumurés crus) et les produits à base de viande traditionnels en salaison sèche et autres produits saumurés de manière traditionnelle ». 

Les additifs concernés seraient le nitrite de potassium (E249), le nitrite de sodium (E250), le nitrate de sodium (E251) et le nitrate de potassium (E252).

« L’utilisation d’extraits végétaux riches en nitrates pour servir d’additif, qu’ils soient ou qu’ils ne soient pas identifiés comme tels, serait également prohibée ». Les industriels utilisent en effet des bouillons dans certains produits (jambon notamment) pour se passer d’additifs nitrités de synthèse, afin de segmenter leur gamme et pouvoir afficher une allégation sans nitrite ajouté.

Les produits destinés à l’exportation ne seraient pas concernés.

Au tour des charcuteries chauffées en 2025

Une seconde interdiction, prévue à partir du 1er janvier 2025, concernerait « les produits de charcuterie traités thermiquement (andouilles, andouillettes, boudins blancs et noirs, charcuteries pâtissières, jambons, lardons, pâtés, terrines, rillettes, saucisses, saucissons, tripes, etc) ».

Une limitation de la dose d’additifs nitrés pour les produits de salaison et pour les produits de charcuterie est prévue durant la période transitoire.

A compter du 1er septembre 2022, et jusqu’à l’entrée en vigueur de l’interdiction de 2023, le projet de loi prévoit « une suspension de la consommation de produits de salaison et produits de charcuteries fabriqués en employant une quantité de nitrite supérieure à 60 mg/kg ou de nitrate supérieure à 120 mg/kg dans les services de restauration collectives scolaires, pénitentiaires, hospitalières et médico-sociales ».

Un fonds mis en place

Un fonds serait mis en place pour les artisans charcutiers-traiteurs, les bouchers-charcutiers, et les petites et moyennes entreprises (au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008) pour leur permettre de de financer des procédés de fabrication de charcuterie sans additif nitré. Il sera alimenté par «la création de taxes prévues aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ».

Avant le 1er janvier 2025, le gouvernement remettrait au Parlement un rapport évaluant les conséquences économiques pour la filière de cette interdiction.

Les raisons de cette interdiction

Pour justifier ces interdictions en série, les députés estiment que les additifs nitrés « accentuent le pouvoir cancérogène de la matière carnée et que les produits carnés qui contiennent ces additifs sont significativement plus dangereux que les autres charcuteries ». Dans l’exposé des motifs de ce projet de loi, ils mettent aussi en avant l’avis du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) qui a classé en 2015 la charcuterie et les salaisons comme cancérogènes avérés. 

Curieusement, les députés passent sous silence l’avis de l’EFSA (Autorité Européenne de sécurité des aliments) qui est l’autorité sanitaire compétente pour juger des risques d’exposition et qui a blanchi ces mêmes additifs en 2017. Ils omettent aussi de citer le récent rapport de l’Académie d’Agriculture qui va dans le même sens que l’EFSA.

Tri sélectif scientifique 

Le député Richard Ramos mène campagne depuis plus d’un an pour faire interdire ces additifs, sur une ligne très voisine de celle lancée par le Pr Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer, associée pour la circonstance à Yuka et Foodwatch. À l’Assemblée nationale, il avait défendu sans succès l’idée d’une taxe, puis celle d’un étiquetage spécifique. 

Plus récemment, il a conduit une mission parlementaire de la commission des Affaires économiques sur la dangerosité de ces substances, en compagnie de Barbara Bessot-Ballot, députée de la Haute-Saône, et de Michèle Crouzet, députée de l’Yonne. De nombreuses auditions réalisées dans ce cadre - et que La France Agricole a suivies - ont montré des avis divergents entre les différents scientifiques interrogés. (Denis Corpet, Directeur de Recherche émérite de l’Inrae versus Jean-Michel Lecerf, chef du service de nutrition à l’Institut Pasteur de Lille, par exemple. Or, seuls les avis des scientifiques auditionnés soulignant un risque de cancérogénicité sont mis en avant dans l’exposé des motifs, laissant penser qu’il y a unanimité sur le sujet. 

A ce jour, la mission parlementaire n’a toujours pas diffusé son rapport mais le projet de loi visiblement largement inspiré par le député Ramos et les membres de sa mission est lui déjà sorti. Une chronologie qui étonne un certain nombre d’observateurs.

En l’état actuel des choses, il est peu problable que cette proposition soit rapidement examinée, le ministre de l’Agriculture attendant pour statuer sur cette question controversée un avis de l’Anses prévu pour avril 2021.

Philippe Pavard