L’histoire

Avant de signer un bail à long terme, il faut penser aux modalités de sa retraite. Gisèle l’a appris à ses dépens. Sylvain lui avait donné à bail, ainsi qu’à son époux, des parcelles de terre situées au cœur de la Thiérache, pour une durée de dix-huit ans. Le bail s’était renouvelé pour neuf ans. Par lettre du 15 janvier 2015, Gisèle avait informé Sylvain que son époux avait fait valoir ses droits à la retraite et lui avait demandé que le bail à long terme se poursuive à son seul nom. Pour toute réponse, Sylvain, par acte du 12 mai 2015, l’avait avisée qu’il mettait fin au bail pour cause d’âge le 1er mars 2018.

Le contentieux

Gisèle, qui se sentait encore en pleine forme, n’entendait pas quitter l’exploitation si tôt. Aussi avait-elle saisi le tribunal paritaire en report des effets du congé. Il est vrai que la loi du 9 novembre 2010 a fait passer l’âge légal de la retraite de 60 à 62 ans. De plus, la loi d’avenir du 13 octobre 2014 a permis au preneur, qui reçoit un congé en raison de son âge, d’imposer une prorogation du contrat pour une durée égale à celle lui permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein. Gisèle entendait bien profiter de cette disposition favorable, expressément visée à l’article L. 411-64 du code rural, qui devait lui permettre de rester en place et de poursuivre le bail jusqu’au 31 octobre 2022.

Sylvain avait pu prendre connaissance d’une jurisprudence qui avait posé, en principe, que les dispositions relatives au droit de reprise du bail rural à l’expiration de celui-ci en raison de l’âge du preneur, énoncées aux alinéas 4 et 5 de l’article L-411-64 du code rural, ne sont pas applicables aux baux à long terme. Aussi, comme le bail renouvelé reste soumis aux dispositions du chapitre sur les baux à long terme, la prorogation des effets du congé pour permettre au preneur âgé de bénéficier d’une retraite à taux plein n’était pas applicable selon lui.

Le tribunal paritaire avait écarté la demande de Gisèle de prorogation du congé. Mais la cour d’appel avait ensuite infirmé le jugement. Pour elle, l’article L.411-64 du code rural, issu de sa modification par la loi du 13 octobre 2014, donne la possibilité au preneur évincé en raison de son âge de demander le report de la date d’effet du congé à la date où il aura atteint l’âge lui permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein. Gisèle devait pouvoir rester en place jusqu’au 31 octobre 2022.

Mais saisie du pourvoi de Sylvain, la Cour de cassation a censuré la cour d’appel. Le régime commun prévu en matière de refus ou de limitation du renouvellement du bail, lorsque le preneur­ a atteint l’âge de la retraite, n’est pas applicable avec les dispositions des baux à long terme.

L’épilogue

Gisèle devra donc quitter les lieux sans attendre la date où elle pourra bénéficier d’une retraite à taux plein. La solution retenue est sévère. Pourquoi priver le preneur des quelques années d’activité qui lui permettraient de parvenir à l’âge l’autorisant à bénéficier d’une retraite à taux plein, pour la seule raison que son bail renouvelé demeure soumis au régime des baux à long terme ?