mercredi 5 août 2020

Aléas climatiques Quelles pistes pour sécuriser mon système fourrager ?

Vache laitière Montbéliarde au pâturageVous craignez de manquer de fourrage à cause de la sécheresse ? Plusieurs pistes sont envisageables à moyen ou long termes. (©Terre-net Média)
 | par  BTPL |  Terre-net Média
Les sécheresses estivales risquent d'être de plus en plus fréquentes et prononcées. Dans un système en croisière en place depuis de nombreuses années, l'équilibre n'est plus toujours assuré. Comment faire pour sécuriser son système fourrager sans dégrader son revenu et ses conditions de travail ?

Aléas climatiquesmanque de fourrage... Au mois d’août, pour l’année en court, il est presque trop tard pour ajuster le tir. Certes il est possible de semer des fourragères à cycle très court, comme le colza, mais il faut un minimum de fraîcheur pour réussir la levée.
Les achats supplémentaires de fourrages, de coproduits humides ou secs et de concentrés entraînent tous un impact économique majeur sur la trésorerie, souvent pour plusieurs années. Mais réduire le volume livré provoque généralement une dégradation encore plus marquée des résultats économiques.
Alors que faire ? Il existe 3 stratégies :

PRAIRIES, MAÏS, CÉRÉALES : IL FAUT OPTIMISER L'EXISTANT

Le premier point à regarder est le rendement des prairies. Elles sont souvent sous valorisées. Avec des récoltes précoces, il est possible de monter à 17-18 % de MAT sur des ensilages d’herbe, voire plus.
Même si ces premières coupes sont souvent peu fournies, en coupant tôt, il est possible d'en faire une deuxième avant l’arrêt de la pousse de l'herbe à la fin du printemps. Et celle-ci est généralement de bonne qualité. Une étude menée à la station de Mauron (Morbihan), entre 2014 et 2017, montre un gain en MAT et UFL quelque soit le type de prairie. Ces très bonnes valeurs d’ensilage d’herbe permettent d'obtenir une bonne densité énergétique et protéique pour des vaches laitières, en mélange avec des fourrages plus grossiers.
Avec du pâturage, il faut sortir tôt. Pour bien valoriser les pâtures, inutile d’attendre les volumes d’herbe, encore plus à la mise à l’herbe. Les brins d’herbe qui ont poussé en janvier et février n’ont plus de valeurs au mois d’avril. En gagnant un tour au printemps : 21 jours x 75 vaches x 3,5 kg MS par vache = 5 500 kg MS. C’est un peu moins que de la consommation annuelle de fourrage d’une vache.
Il est également possible d’avoir des cultures à double fin comme le maïs. Les surfaces prévues initialement en maïs grain sont ensilées. Le stock fourrager est assuré. En cas de démarrage du maïs catastrophique, une solution est d’ensiler, en juin, une ou plusieurs parcelles en céréales destinées à être moissonnée. Cet ensilage a en revanche des valeurs alimentaires médiocres. Il faut plutôt le destiner aux génisses, sinon la ration des vaches laitières sera fortement déconcentrée.

AJUSTER L’ASSOLEMENT DÈS L’AUTOMNE.

Concernant l'assolement, les changements sont rapides, en un à deux ans. L’objectif est de constituer des stocks avant l’épisode de sécheresse. Une part du maïs est alors remplacée par des cultures de printemps. Le ray-grass d’Italie, seul ou associé à un trèfle incarnat, est un précédent possible avant maïs. Si le risque de sécheresse est récurrent, il vaut mieux retenir des méteils, avec une grosse part de protéagineux. Le maïs, implanté ensuite, sera moins pénalisé en eau.
Pour remplacer le maïs par une autre culture, moins sensible, la première option est souvent le sorgho. Il a l’avantage de pouvoir passer l’été et de valoriser les pluies du mois de septembre. Les essais menés à la station expérimentale des Trinottières (Maine-et-Loire) montrent des performances intéressantes, même sur des vaches hautes productrices. La perte de lait (1 à 2 l/VL/j) est compensée par + 2 à + 4 points de matière grasse. Au-delà de 50 % de sorgho, il est plus difficile de maintenir la production.
La betterave a aussi cette capacité à faire du rendement en arrière-saison. S’il pleut en septembre, et que le froid hivernal n’est pas trop précoce, ni trop marqué selon la région, il est possible de récolter 80 à 120 t brutes à l’hectare.
Sur du moyen terme, il est possible d’implanter des fourragères plus résistantes à la chaleur : la luzerne, la chicorée, la fétuque élevée, le dactyle, le brome, le trèfle violet. Des essais récents chez Arvalis montrent des performances de 27 à 30 l/VL/j avec des rations à plus de 30 % de luzerne ensilée ou enrubannée.
Enfin, travailler avec un vrai stock de sécurité (trois à six mois) est certainement à encourager. Il faut le constituer lors d’une année fourragère favorable ou par achats quand l’offre est abondante et à prix intéressants. En prime, l’amidon du maïs ensilé gagne en digestibilité si le silo reste fermé plus de quatre mois.

CHANGER EN PROFONDEUR ET SUR LE LONG TERME

Cette dernière possibilité mérite un temps de réflexion. L’engagement financier est plus conséquent. Quel est le retour sur investissement ? Il s’agit par exemple de mettre en place ou agrandir un système d’irrigation ou de désintensifier le système fourrager (une partie des hectares en cultures de vente sont récoltés, en conservant le même troupeau).
Au-delà des outils pour faire des bilans fourragers, le BTPL a développé un outil de réflexion du système fourrager : Osmose. Sous forme de budget partiel, il simule les effets d’un ajustement de rations sur la marge sur production de l’atelier lait. Les effets indirects sur le temps de travail sont aussi calculés, à la fois sur l’astreinte quotidienne comme sur les pointes de travail. Ci dessous un exemple dans un élevage de l'Aveyron.

CAS CONCRET D'UN ÉLEVAGE CONFRONTÉ À LA SÉCHERESSE : QUELLES ADAPTATIONS POSSIBLES ?

Caractéristiques de l'élevage : situé à 700 m d'altitude dans le Ségala aveyronnais, 1,8 UMO, 540 500 l, 72 VL à 7500 l, 89 ha de SAU dont 76,6 ha de SFP lait, 1 750 kg de concentrés achetés. Ration initiale : 2/3 ensilage de maïs, 1/3 ensilage d'herbe et du pâturage.
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Ration vaches laitièresRation vaches laitières (©BTPL)
Diagnostic Osmose avec pour aléa climatique testé une sécheresse d'été comme celle connue en 2019 :
Diagnostic Osmose face à la sécheresseÉvolution des surfaces et rendements des cultures fourragères face à la sécheresse. (©BTPL)
La sécheresse impacte fortement les rendements en maïs ensilage avec une baisse de 4,5 t MS/ha, passant ainsi de 11,5 à 7 t MS/ha. Les cultures d’hiver blé autoconsommées et dérobées ne seraient pas impactées. Quant aux prairies, une baisse de rendement d’1 t MS/ha sur prairies naturelles, pas de changement pour les prairies temporaires et une légère augmentation du rendement des luzernes ont été simulés. Cet aléa conduirait à un déficit fourrager de 88 t MS pour l’élevage.
S'ensuit la simulation économique de 6 adaptations possibles :
1- Céréales à double fin : ensilage en céréales immatures de 9,2 ha de blé et mise en place de 4,5 ha de sorgho fourrager à pâturer en dérobées. Les céréales immatures seront distribuées essentiellement aux génisses. Afin d’assurer l’équilibre de la ration, 82 t de maïs grain seront achetés et 12 t de tourteau économisés.
2- Achat de fourrages : 72 t MS de maïs sur pied à 40 €/t brute ainsi que 18 t MS de foin à 150 €/t. Ces achats ayant été réalisés en période de sécheresse, ils ont été faits au prix fort.
3- Baisse du volume de lait produit : ne pas acheter de fourrage mais réduire le troupeau pour correspondre aux stocks fourragers soit - 11 VL et leur suite. Ce déficit fourrager conduit à une baisse de 90 000 l, soit 450 000 l produits.
4- Réduction de la surface en maïs : remplacement de 5 ha de maïs par du sorgho fourrager multicoupe. Ce sorgho qui sera pâturé par les vaches laitières sera implanté derrière un méteil de protéagineux ensilé. Achat de 20 t MS de maïs ensilage, économie de 16 t de tourteau, achat de 49 t de maïs grain.
5- Stock de sécurité de 3 mois : constitution de ce stock par l’achat à un prix intéressant (30 €/t pour le maïs sur pieds et 120 €/t pour le foin) + construction d’un silo couloir supplémentaire financé par un prêt sur 15 ans.
6- Mise en place de l’irrigation : création d’un lac collinaire avec pivot d’irrigation (130 000 € empruntés sur 20 ans). Suite à l’augmentation du rendement (+ 4 t MS/ha), 4 ha de maïs seront cultivés en moins remplacés par du méteil ensilé puis du sorgho multicoupe. 68 t de foin seront vendues y compris les années de sécheresse.
Pour toutes ces adaptations, le choix a été fait de travailler à concentration de ration identique : iso-UFL (0,94 UFL/kg MS) et iso-PDI (103 PDIN/kg MS et 96 PDIE/kg MS) de manière à maintenir la moyenne économique et le volume de lait produit (sauf pour l’adaptation n°3).
Cinq adaptations sur six conduisent à une baisse de revenu comprise entre 9 000 et 16 000 €. Seule la mise en place de l’irrigation est légèrement positive. Mais elle génère du travail d’astreinte en plus pendant l’été. Il faut retenir que ces simulations concernent seulement l’année de l’aléa.
Diagnostic économique OsmoseAdaptations possibles pour l'élevage en cas de sécheresse et leurs conséquences économiques. (©BTPL)
Pour se projeter, il faut apprécier le risque d’avoir cette sécheresse sur une plage de cinq ans : est-ce une, deux voire trois années ? Et évaluer les adaptations possibles localement. En général, la plus mauvaise solution est de ne rien faire, en subissant une baisse du volume livré.

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