lundi 23 mars 2020

Les forêts face aux enjeux du carbone

Anna Samoyloya - Unsplash


Déforestations tropicales et incendies émetteurs de CO2
L’actualité mondiale montre l’importance des forêts pour l’évolution du climat, en particulier concernant les enjeux du carbone.
Les mégafeux forestiers exceptionnels ayant touché l’Australie, la Californie, mais aussi l’Indonésie et la forêt boréale ont conduit à l’émission dans l’atmosphère de quantités de gaz carbonique (CO2) quasi-équivalentes aux émissions annuelles d’origine fossile des pays concernés. La déréglementation de la déforestation en Amazonie brésilienne illustre la difficulté de juguler la dynamique de déforestation-dégradation des forêts naturelles tropicales qui reste à l’origine de près de 15% des émissions anthropogènes totales de CO2.
Les forêts atténuent le changement climatique
Les écosystèmes forestiers mondiaux contiennent, dans la biomasse des arbres et la matière organique des sols, autant de carbone que l’ensemble du CO2 atmosphérique. De fait, la concentration atmosphérique en CO2 est très sensible aux variations de ce stock de carbone, que ce soit dans le sens du déstockage ou dans celui du stockage. Toutefois cette dernière dynamique reste prédominante. La photosynthèse est actuellement stimulée par l’augmentation du CO2 atmosphérique, ce qui tend à renforcer le puits de carbone terrestres. Les forêts tropicales intactes, tempérées et boréales assurent une part essentielle de la fonction de puits de carbone des surfaces terrestres qui stockent 29% des émissions totales de CO2, contribuant ainsi à l’atténuation du changement climatique.
La forêt française puits de carbone
Les forêts tempérées s’étendent et stockent du carbone, même si elles sont l’objet de récolte de bois. La surface de la forêt française métropolitaine a ainsi doublé depuis le milieu du 18e siècle, en lien avec la déprise agricole. Son stock de biomasse ligneuse s’est accru de près de 50 % au cours des 30 dernières années selon les résultats des inventaires forestiers. Les prélèvements de bois s’élèvent à 48 millions de m3 par an (2009 - 2017), valeur très inférieure à la production naturelle évaluée à 91 millions de m3 par an. Les forêts françaises constituent ainsi un important puits de carbone en piégeant actuellement l’équivalent de 15 % des émissions de CO2.
Utiliser les produits bois
L’utilisation du bois dans les filières aval conforte la contribution du secteur forestier à l’atténuation du changement climatique par le stockage de carbone à moyen terme dans les produits bois. Au stockage de carbone vient s’ajouter un important potentiel d’évitement des émissions par la substitution de produits à base de bois à des matériaux dont la production émet beaucoup de CO2 d’origine fossile (béton, acier, etc.).
Or ce potentiel est loin d’être complètement exploité. L’emploi comme source d’énergie de bois produit par des forêts gérées durablement, considéré comme neutre du point de vue du carbone, progresse lentement. La gestion forestière et l’activité du secteur forestier dans son ensemble sont confrontées à un double défi face au changement climatique : optimiser la contribution à l’atténuation du réchauffement tout en adaptant les forêts à ce changement dans le cadre d’une gestion durable et multifonctionnelle.

Jean-Marc Guehl, membre de l’Académie d’agriculture de France, directeur de recherche INRAE

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