Le tribunal administratif de Paris a rendu son verdict le 29 juin 2023 dans le cadre du recours « Justice pour le vivant » qui oppose cinq ONG environnementales (1) à l’État et Phyteis, le syndicat de l’agrochimie en France. « La justice reconnaît pour la première fois l’existence d’un préjudice écologique résultant d’une contamination généralisée de l’eau, des sols et de l’air par les pesticides et de l’effondrement du vivant et la faute de l’État français dans cette situation », s’est félicitée immédiatement « Justice pour le vivant » dans un communiqué. L’organisation estime que « cette journée marque un tournant dans la lutte contre l’effondrement de la biodiversité en France. »

Failles dans les procédures d’évaluation

Selon le collectif, « le tribunal reconnaît les failles des procédures d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des pesticides, démontrées par les associations. […] Il reconnaît également un lien de causalité direct entre les insuffisances de l’évaluation des risques et le déclin de la biodiversité. »

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Le tribunal n’ordonne toutefois pas à l’État de revoir les méthodologies d’évaluation des risques estimant qu’il ne peut être établi juridiquement avec certitude qu’une meilleure évaluation permettrait de « modifier significativement la nature ou le nombre [des pesticides] mis sur le marché ».

Sur ce dernier point, les associations indiquent qu’elles feront « appel devant la cour administrative d’appel de Paris et introduiront, en parallèle, un nouveau recours devant le Conseil d’État pour obtenir la mise en œuvre de cette décision. »

Respecter les objectifs de réeduction des phytos

Le tribunal donne par ailleurs à l’État jusqu’au 30 juin 2024 pour :

  • Prendre toutes les mesures utiles pour respecter les objectifs de réduction des pesticides prévus par les plans Ecophyto ;
  • Protéger réellement, comme la loi l’y oblige déjà, les eaux souterraines du territoire français des effets des pesticides et de leurs résidus.

Selon « Justice pour le vivant », le préjudice qui résulte de la faute de l’État est caractérisé par :

  • une contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des sols et des eaux par les pesticides ;
  • le déclin de la diversité et de la biomasse de nombreuses espèces (pollinisateurs et autres insectes, amphibiens, reptiles, oiseaux, organismes aquatiques, vers de terre, ainsi que de nombreuses autres espèces composant la faune et la flore terrestre et aquatique) ;
  • et, plus généralement, la détérioration des chaînes trophiques et de l’ensemble des écosystèmes indispensables à la vie humaine, animale et végétale.

Les ONG appellent le gouvernement à « revoir d’urgence les procédures d’évaluation des risques, réévaluer la dangerosité des près de 3 000 produits phytopharmaceutiques homologués en France, retirer du marché les substances problématiques, et s’assurer que de nouvelles substances toxiques pour le vivant n’y fassent pas leur entrée ».