D’un côté, des truites. De l’autre, du maraîchage. Sur ces deux piliers repose l’aquaponie. « Les effluents des poissons nourrissent les plantes, qui en retour font de la phyto-épuration. Puis l’eau purifiée repart vers les truites, sans qu’il y ait eu de prélèvement ni de rejet dans le milieu (1) », résume Michel Peter, à la tête de la Ferme aquaponique du Pays de Gex (Ain). Reconverti de l’industrie pétrolière, il a créé cette exploitation en 2021 après avoir visité la poignée de fermes aquaponiques existant à l’époque.

100 % hors sol

À Versonnex dans l’Ain, à deux pas de la frontière suisse, le foncier est introuvable mais la population nombreuse et le pouvoir d’achat élevé. Il a pu installer sa serre de 2 000 m² sur une parcelle communale impropre à la culture et à la construction. Peu importe car le système est totalement hors-sol : les plantes se trouvent sur des radeaux, leurs racines plongeant dans l’eau. Cette absence de lien au sol empêche d’ailleurs la certification bio. Sinon la ferme cocherait toutes les cases : « La serre n’est ni chauffée ni éclairée et on n’utilise aucun phyto : la moindre trace tuerait les truites », souligne Michel.

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Le seul « engrais » acheté est la nourriture des poissons, qui se transforme en effluents. J’ajoute seulement 10 cl de micronutriments (bore, zinc, manganèse…) chaque mois dans les 2 000 m³ d’eau qui circulent entre les plantes. Pour contrôler les ravageurs, je laisse la serre ouverte afin de laisser entrer le maximum d’insectes : ainsi ils s’autorégulent. J’introduis aussi des insectes auxiliaires, je dissémine partout des plantes aromatiques qui ont un effet répulsif, et j’utilise des purins de plantes et des huiles essentielles. »

Les plantes se nourrissent des effluents des truites, tout en épurant l’eau. ( © Bérengère Lafeuille) 

Du côté piscicole, six bacs reçoivent des truites de 150 à 200 g. Elles sont élevées sans antibiotiques et à des densités inférieures aux 25 kg/m³ fixés pour le bio, bien que l’élevage ne soit pas certifié. Les ventes à différents âges permettent de dédensifier les bacs à mesure qu’elles grossissent. « J’adapte aussi le nombre de truites aux besoins du maraîchage : j’en élève plus en été car il y a plus de plantes à nourrir », poursuit le chef d’exploitation.

Le rendement est un peu supérieur à une culture classique. L’essentiel du chiffre d’affaires est réalisé en vente directe (marchés, magasins, restaurants…) avec transformation à la ferme pour les poissons. Il se répartit pour deux tiers pour les truites et un tiers pour le maraîchage. Son temps de travail se divise, lui, en deux parts égales. Les prix pratiqués sont équivalents aux productions bio. Impossible de les brader : l’investissement initial s’est élevé à 500 000 €.