Le 22 octobre 2023, les JA et la FDSEA du Tarn retournent quelque 300 panneaux d’entrée de village, préfigurant l’opération « on marche sur la tête » et la future crise agricole de l’hiver. Un an plus tard, l’amertume et la frustration demeurent vivaces.
« Depuis six mois, je suis à découvert ». Eleveur de brebis et producteur de céréales dans le Tarn, ce n’était pas certainement pas le bilan escompté par Sylvain Laganthe, lui qui s’était mobilisé une semaine sur l’autoroute A68 entre Toulouse (Haute-Garonne) et Albi (Tarn), au plus fort de la crise agricole l’hiver dernier.
Mais le membre du bureau des JA du Tarn, installé à Coufouleux à la suite de ses parents en 2011, et qui a opéré une diversification dans l’élevage, refuse de s’attarder sur son cas personnel. « Pour qu’il y ait autant d’agriculteurs qui ne s’en sortent pas, c’est que le système ne fonctionne pas, c’est là où c’est dramatique. Ce n’est pas des cas isolés de mauvaise gestion ». C’est au cours d’une réunion commune des JA et de la FDSEA du Tarn, le 22 octobre 2023, qu’émerge ce qui deviendra le signe de ralliement et la signature de la fronde agricole de l’hiver : « on marche sur la tête ».
Dans la soirée du 22 octobre, des agriculteurs tarnais retournent quelque 300 panneaux d’entrée de village aux quatre coins du département. Pendant quelques jours, le mystère demeure quant aux auteurs de cette opération saugrenue qui s’avérera terriblement efficace, les agriculteurs réussissant le tour de force de mettre comme jamais auparavant les médias et l’opinion publique dans leur poche, forçant les pouvoirs publics à faire preuve de mansuétude sur les différents théâtres d’action syndicale , au grand dam des militants écologistes taxés d’être des « éco-terroristes » à la moindre incartade.
Les CRS finiront par être lâchés dans le 24 février 2024 mais pas dans la rue mais dans les allées du Salon de l’agriculture1 où le président de la République est chahutté et empêché.
A l’automne 2023, c’est le projet de supprimer progressivement à l’exonération de la TICPE (Taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques) qui provoquera l’étincelle, avant le rétropédalage gouvernemental annoncé le 26 janvier par Gabriel Attal à quelques encablures du mythique barrage de Carbonne(Haute-Garonne), en Occitanie toujours. « Le gasoil, on n’a pas eu d’augmentation, mais on n’a rien gagné, on a continué à avoir ce que l’on avait », relativise Sylvain Laganthe.
Le projet de loi d’orientation agricole, dont la gestation avait été longue et laborieuse, était censé tracer des perspectives mais la dissolution de l’Assemblée nationale lui a coupé l’herbe sous le pied. La nouvelle ministre de l’Agriculture Annie Genevard a promis de le remettre à l’agenda du Sénat début 2025.
Pas sûr que le projet, si tant est qu’il arrive à son terme, change fondamentalement la donne. « Il n’y a rien sur le foncier, qui est un frein à l’installation, à la pérennisation des exploitations et à nos revenus », regrette le JA, qui ne désespère pas une loi Egalim 4 enfin efficiente, mais avec un optimisme des plus mesurés. « Ça fait 60 ans que l’on dit aux Français, notamment les distributeurs, que bien manger, c’est avant tout manger pas cher ».
Depuis le 22 octobre 2023, un an a passé et, facteur aggravant, l’année 2024 a été marquée par des récoltes en berne, des prix des céréales atones et l’émergence et/ou l’endémisation de maladies vectorielles (FCO, MHE) fragilisant un peu plus des filières vulnérables. « Un an plus tard, on ne trouvera pas un agriculteur qui est content », souligne Sylvain Laganthe, qui rappelle que le mouvement « on marche sur la tête » est parti de « la base », sans la caution des représentants nationaux au démarrage. Depuis plusieurs semaines, les actions de contestation essaiment à travers l’Hexagone, sur fond d’attentisme gouvernemental et de pré-campagne des élections aux Chambres d’agriculture. « La base, elle s’en fout des élections aux chambres. Si ça repart, ça sera de la base, c’est ça qui compte ».
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