« Que faire des stocks de laine et de peaux lainées qui s’accumulent sur les exploitations ovines et chez les négociants » ? C’est la question posée par le ministère de l’Agriculture au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), son organisme interne de prospective.

Indissociable du troupeau ovin français, qui compte environ sept millions de têtes, la production de laine et de peaux lainées peine à trouver des débouchés. Face à l’absence d’offres intéressantes économiquement pour la laine et la peau des ovins, de nombreux éleveurs et négociants se sont vus contraints de les stocker. Dans un rapport publié le 5 juillet 2023, le CGAAER a identifié des recommandations pour permettre de valoriser la laine, tout en apportant des pistes à la gestion de son élimination à moindre coût.

Des stocks accumulés depuis l’effondrement du marché de la laine

L’industrie de la laine et des peaux lainées s’est progressivement délitée ces dernières années. Avec le remplacement des fibres de laine par les fibres synthétiques, le développement de la production ovine en Chine, l’un des principaux importateurs de laine auparavant, et la crise du Covid engendrant l’arrêt du commerce international, les cours de la laine se sont effondrés. Les éleveurs ovins français n’ayant plus de débouchés un tant soit peu rémunérateurs, ont été contraints d’accumuler les stocks de laine, dans l’attente d’une reprise du marché à un cours qui puisse « compenser, au moins pour l’essentiel, le coût de la tonte ». En ce qui concerne les peaux lainées, la situation est similaire, les stocks se situant au niveau des négociants.

La Fédération nationale ovine (FNO) a réalisé une enquête sur la collecte de laine chez les éleveurs sur la campagne 2022, laissant percevoir le manque de débouchés et de solutions. ( © CGAAER) 

Le CGAAER propose dans son rapport sept recommandations pour remédier à l’absence de valorisation actuelle de la laine et des peaux lainées, tout en apportant des pistes à la gestion de son élimination à moindre coût.

Il en résulte qu’il est peu probable que la laine redevienne une source de revenu conséquente, mais il n’est pas exclu « qu’à moyen terme, les revenus tirés de la laine remontent », portés par la demande de générations plus sensibles au caractère biodégradable et durable de la laine.

Des produits à valoriser ou des déchets à éliminer ?

Pour le CGAAER, le problème concerne majoritairement la filière de la laine. En ce qui concerne la valorisation des peaux lainées, le rapport de mission estime qu’elle ne nécessite pas de mise en place de mesures particulières, et que les propositions relatives à la valorisation de la laine pourront s’appliquer ou être profitable aux peaux.

La première recommandation, qualifiée d’indispensable, consiste à « améliorer la connaissance de la filière ». Elle est formulée à l’attention de FranceAgriMer, afin de collecter les données pour structurer les résultats par races et par débouchés, réaliser un inventaire des qualités lainières françaises, et ainsi permettre d’évaluer le potentiel d’approvisionnement, essentiel pour étudier tout projet de développement.

Par la suite, les propositions du CGAAER s’articulent autour d’un choix de la part de l’éleveur, en fonction de l’organisation de son élevage, sa capacité d’investissement, et sa volonté : souhaite-t-il investir pour une valorisation de la laine avec une rémunération à hauteur des investissements réalisés ? Ou bien, souhaite-t-il éliminer la laine de son élevage à moindre coût ?

Afin d’atteindre une valorisation de la laine rémunératrice, quatre propositions sont formulées :

  • Améliorer la qualité de la laine et des peaux lainées produites, par le développement et la promotion de « bonnes pratiques d’élevage » ainsi que la sélection génétique en accordant plus de poids à la qualité lainière ;
  • Développer la filière des isolants, par la coordination de « travaux de recherche permettant de qualifier la laine de mouton française comme isolant et de développer des procédés de fabrication » ;
  • Recréer des capacités de lavage de la laine, à travers le projet d’une laverie industrielle française, l’opération de lavage étant nécessaire « avant tout transformation » de la laine ;
  • Structurer l’offre de laine française, par l’appui au développement d’une interprofession pour la laine, qui puisse permettre la réorganisation du système de collecte, la traçabilité des lots de laines, le développement d’une marque, et de bénéficier de financements publics.

Dans l’optique d’une solution « à moindre coût pour éliminer » la laine, notamment devant le constat de l’absence de collecte de laine dans certaines régions, le CGAAER effectue deux recommandations :

  • Faciliter l’agrément d’unités de compostage de laine à la ferme, par le développement d’un dossier simplifié et d’un cahier des charges, avec l’appui des services de l’État, dans le respect des réglementations sous-produits animaux (SPAN) et installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ;
  • Saisir l’Anses pour identifier et évaluer les risques sanitaires et environnementaux représentés par l’utilisation de la laine de mouton dans la production d’engrais organiques et d’amendements.

Par ailleurs, le rapport ajoute que des procédures dérogatoires exceptionnelles d’enfouissement pour éliminer les stocks accumulés au cours des dernières années sont éventuellement envisageables.

Des difficultés majeures complexifient les voies envisagées

En complément des recommandations formulées, le rapport du CGAAER souligne deux difficultés majeures dans la recherche de voies de valorisation pour la laine et les peaux lainées. À commencer par une production ovine nationale très hétérogène, et dispersée, ce qui complique l’évaluation précise de la laine tant en stock (conservé sur les exploitations) qu’en flux annuel produit.

La deuxième difficulté tient à la complexité des règlementations de conditions de travail et de protection de l’environnement, en France et en Europe. De nombreux débouchés existants ou potentiels sont « soumis à une règlementation très contraignante », qui ne facilite pas la relocalisation d’unités industrielles de lavage, délainage ou tannage des peaux, le développement d’unités de compostage, l’innovation sous forme d’engrais organiques.