( journal LA DEPÊCHE du 2/09/2014). A la mi-août, un loup aurait attaqué, pour la première fois, brebis et agnelles sur le domaine du Royal Aubrac. Même si rien n'est prouvé, le loup fait figure de coupable idéal. Reportage.
Éleveurs stressés, brebis menacées et tension permanente. Voilà la situation actuelle de l'agriculture dans l'Aveyron. A la mi-août, un loup aurait tué cinq brebis et agnelles sur le domaine du Royal Aubrac.
Une attaque non prouvée qui a néanmoins laissé des séquelles. Installé en septembre 2013, un réseau de quarante personnes surveille avec précision la présence ou non du loup dans le département.
Mandatée par la préfecture, cette cellule, dont les membres ont été formés par l'office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), tend à rassurer les éleveurs. Cependant, même si ce service de suivi du loup martèle que pour le moment, «aucun indice prouve que cette attaque a été faite par un loup», les éleveurs aveyronnais sont sous tension.
C'est ce qu'explique en tout cas Jean-François Cazottes, éleveur ovin au Truel et président de la section ovin-viande de la FDSEA.
«Les agriculteurs sont énervés et stressés. Depuis 2 ans le loup rôde dans les départements limitrophes et on s'attendait à le voir arriver».
En France, on compterait 250 à 300 loups avec une croissance de 20 % par an et «on devrait atteindre les 700 en 2020». Selon Jean-François Cazottes, ce n'est pas normal de laisser le canidé progresser sans rien faire. «Sa présence est incompatible avec nos élevages».
Sa solution est bien de diminuer la population du loup. «Depuis le 14août, un arrêté préfectoral autorise l'abattage de loups», souligne-t-il.
16 loups doivent être abattus
«Il faut que cet arrêté soit respecté. 16 loups devaient être abattus, il n'y en a que 11 pour le moment». Sans vouloir engager une chasse aux canidés, il concède que sa population doit être régulée, «encore plus dans le 1er département moutonnier de France».
En ce sens, il rappelle également que le loup n'est plus une espèce menacée.
De son côté, Laurent Reversat, porte-parole Sud de la Confédération Paysanne de l'Aveyron, tient le même discours, quoique moins radical.
«Il faut une politique globale. Si on veut des loups sur le territoire, alors il faut mettre en place des mesures qui défendent les éleveurs et leur troupeau». Et d'ajouter, «là, les agriculteurs se sentent abandonnés».
Et c'est bel et bien là que le bat blesse puisque, même s'il ne le désire pas, Laurent Reversat raconte qu'il suffirait d'une étincelle pour que tout s'embrase.
«Le troupeau d'un éleveur, au-delà de son aspect financier, c'est toute sa vie». On l'aura compris, les éleveurs attendent plus de la part de la sphère politique.
L'enjeu est conséquent. L'élevage fait clairement partie de l'économie du département: un tiers du chiffre d'affaires de l'Aveyron provient, en effet, de l'agriculture et de l'agronomie.
15 millions d'euros par an
C'est le budget prévu par l'État pour indemniser les pertes animalières en cas d'attaque reconnue du loup. Pour Jean-François Cazottes, «cette somme est importante mais ne dédommage pas les craintes d'une future attaque, le traumatisme psychologique de l'éleveur ou les effets secondaires causés par l'incident.» Comme il l'explique, certaines brebis avortent ou d'autres deviennent folles Selon lui, en 2013, 6 200 animaux d'élevage ont été victimes du loup en France.
Laurent Reversat, Confédération paysanne
«Les éleveurs se sentent abandonnés»
Porte-parole sud de la confédération paysanne de l'Aveyron, Laurent Reversat donne son avis, à froid, à propos des polémiques autour de la présence du loup dans l'Aveyron.
Pourquoi cette affaire suscite autant de peurs, de tensions et de polémiques ?
Il y a autant de bruit car, d'une part, ce serait la première fois que le loup attaque dans le département de l'Aveyron et, d'autre part, parce que la société est attachée à son pastoralisme. Or, la cohabitation entre les élevages et leur prédateur est impossible.
Que faire ?
On ne parle pas de chasse aux loups bien sûr mais il faudrait trouver une solution intermédiaire entre la cellule de suivi et un dénouement radical. La Suisse, par exemple, est signataire du traité de Berne, qui protège le loup, mais autorise les bergers à se défendre. Ce tir de défense est une solution. Si le loup attaque nos élevages, il ne faut pas simplement lui faire peur en tirant en l'air. Il faut tirer pour l'éduquer. Lui apprendre qu'il n'est pas dans la nature. On doit reprendre le contrôle sur cette espèce.
Il faut donc tirer pour le tuer ?
La population du loup doit être régulée mais je le répète, on ne parle pas de chasse aux loups.
Pensez-vous que la cellule de suivi est une bonne initiative ?
On a besoin de ce genre de cellule où des gens formés veillent. Néanmoins, on se rend compte qu'il est difficile de mettre en place des mesures en fonction des problèmes que nous vivons. La sphère politique a pris conscience que quelque chose devait être fait. Il faut une politique plus globale.
La situation est-elle aussi critique que certains le disent ?
Si on ne se sent pas protégés en tant que tels, cela peut en effet craquer à tout moment. Nous, on ne veut pas que ça craque mais, actuellement, les éleveurs ne se sentent pas protégés. Ils sont inquiets. Ils se sentent abandonnés.
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