Pour sa 60ème édition, marquée par la visite mouvementée du chef de l'Etat en pleine crise agricole et des jets d’œufs sur les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique, le Salon de l’agriculture a fait le plein de visiteurs et encore plus d’élus. Mais il n’a pas apaisé la colère, en attendant une nouvelle réception des syndicats à l’Elysée et la présentation du Projet de loi pour une agriculture souveraine en Conseil des ministres.
Le Salon de l’agriculture s’est achevé comme il avait commencé : par l’expression de la colère des agriculteurs. La veille de l’ouverture, les JA et la FNSEA avaient campé porte de Versailles pour maintenir la « pression » sur l’exécutif après cinq semaines de barrages et autres actions coup de poing à travers la France, que plusieurs salves d’annonces gouvernementales avaient tempérés mais pas éteints. La Coordination rurale avait de son côté fait monter des tracteurs sur Paris depuis la Bourgogne Franche-Comté.
Un vendredi plus tard, la CR menait une action coup de poingautour de l'Arc de Triomphe à Paris tandis que des adhérents de la FDSEA de Seine-et-Marne, le département d’Arnaud Rousseau, jetaient des œufs sur les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique. Une action que le président de la FNSEA a affirmé sur BFM TV dimanche 3 mars ne pas « cautionner » tout en se gardant de la condamner. La Confédération s’est montrée bien plus sage, satisfaite d’avoir (re)mis les prix planchers dans le débat, tout en menant le mardi une action ciblant le stand de Lactalis.
Le soulèvement de terriens
Le jour d’ouverture du Salon de l’agriculture, que Gabriel Attal qualifiera de « Fête nationale » a constitué le climax de la semaine et même de l’histoire du salon. Une heure avant l’ouverture et l’inauguration par le président de la République le 24 février, quelques centaines d’agriculteurs, arborant des signes distinctifs de la FNSEA, des JA et de la Coordination rurale ont forcé l’entrée du salon au moment où Emmanuel Macron s’entretenait, comme de tradition, avec les présidents de la FNSEA et des JA.
Huées, sifflets et appels à la démission rythmeront les premières heures du salon, qui sera investi par des centaines de membres des forces de l’ordre, une première, plaçant le chef de l’Etat sous haute protection durant toute la journée, au prix d’une ouverture décalée d’une heure et d’un accès public au hall des animaux à partir de 15 heures seulement.
La colère paysanne a été exacerbée par l’invitation des Soulèvements de la terre au « grand débat » décidé moins de 48 heures avant l’ouverture, avant rétropédalage de l’Elysée. La défection de la FNSEA enterrera le projet.
Un débat improvisé, de nouvelles annonces
Le chef de l’Etat a finalement débattu pendant plus de deux heures avec une vingtaine d’agriculteurs représentatifs de l’ensemble des syndicats, un exercice pendant lequel le président de la République fera plusieurs annonces, telles que la mise en place d’un « plan de trésorerie d'urgence », l’intégration de « prix planchers » dans une nouvelle loi Egalim ou encore la reconnaissance de notre agriculture et notre alimentation comme un « intérêt général majeur de la nation française ».
Le salon s’est ensuite déroulé dans la sérénité, sous le feu nourri des annonces gouvernementales avec pêle-mêle des facilités bancaires et la mise en place d’un fonds d’aide d’urgence porté à 90 millions d’euros pour la bio, le renouvellement du plan Ambitioin bio, le Plan élevage pour « produire ce que nous consommons », sans oublier quelques marqueurs symboliques comme la suspension des fruits et légumes contenant du thiachlopride ou l’interdiction de dénommer « steaks », « lardons » et autres « jambons » des produits à base de protéines végétales.
Oreillette en sourdine
La valse des élus de tous bords a beaucoup (trop) focalisé l’attention, faisant du salon le faire-valoir d’un ring politique et mettant quelque peu Oreillette en sourdine et éclipsant tout le travail des éleveurs, la raison d’être du salon et de son Concours général agricole. « Il est essentiel de rappeler que le Salon international de l'agriculture, bien que visité par de nombreux acteurs politiques, est un salon privé, rappellent les organisateurs dans leur communiqué. La présence massive des représentants politiques, avec 83 visites officielles, est une reconnaissance pour notre événement, mais elle souligne également la nécessité de repenser l’organisation de leur accueil pour l'avenir ».
L’édition 2024 a accueilli 603.652 visiteurs, contre 615.204 l’an passé, soit une baisse de 2%. Son président Jean-Luc Poulain évalue à « environ 20% » la baisse de fréquentation les deux premiers jours, mais assure que les chiffres des entrées ont été les jours suivants meilleurs que l'an dernier, avec plus de 100.000 visiteurs le deuxième samedi. « La colère légitime des agriculteurs est un sujet auquel nous avons apporté notre soutien, car nous les comprenons. Cependant, la multiplication des manifestations a perturbé le déroulement du salon », indiquent les organisateurs dans un communiqué final.
Les syndicats sur le qui-vive
Les prochains rendez-vous politiques seront balisés par la réception des syndicats par le président de la République d’ici au 15 mars et le présentation du Projet de loi pour une agriculture souveraine en Conseil des ministres le 20 mars. D’ici là, les syndicats restent sur le qui-vive. Sur BFM TV dimanche, le président de la FNSEA a affirmé qu'il y aurait encore « des actions sur le terrain » après le salon car « sur le plan politique, les choses ne sont clairement pas terminées ».
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