La Croix -vendredi 22 février 2019
Visions d’avenir pour
l’agriculture
l’agriculture
Raisons d’espérer
Le monde agricole est confronté depuis plusieurs années à une crise profonde et multiple. Crise économique qui empêche nombre d’agriculteurs de pouvoir vivre dignement de leur travail, crise climatique qui fragilise un peu plus les exploi- tations, mais aussi crise d’un modèle de production intensive face aux nouvelles attentes de la société. Autant de pressions qui s’additionnent pour nourrir le malaise dans des campagnes qui s’estiment oubliées et voire méprisées.
La 56e édition du Salon de l’agriculture qui ouvre ses portes à Paris, ce samedi
23 février jusqu’au 3 mars, de- vrait remettre un peu de baume au cœur à la Ferme France. L’événement qui accueille chaque année quelque 650 000 visiteurs est l’occasion de prendre la mesure de l’attache- ment des Français au monde paysan et leur intérêt grandis- sant pour les questions d’agri- culture et d’alimentation.
Pour ouvrir le débat, La Croixa demandé à deux grandes fi- gures du monde paysan, Chris- tiane Lambert, présidente de
la FNSEA, le premier syndicat agricole français, et José Bové, eurodéputé Europe Écologie- Les Verts, de confronter leur vi- sion et leurs raisons d’espérer.Antoine d’Abbundo
Le monde agricole est confronté depuis plusieurs années à une crise profonde et multiple. Crise économique qui empêche nombre d’agriculteurs de pouvoir vivre dignement de leur travail, crise climatique qui fragilise un peu plus les exploi- tations, mais aussi crise d’un modèle de production intensive face aux nouvelles attentes de la société. Autant de pressions qui s’additionnent pour nourrir le malaise dans des campagnes qui s’estiment oubliées et voire méprisées.
La 56e édition du Salon de l’agriculture qui ouvre ses portes à Paris, ce samedi
23 février jusqu’au 3 mars, de- vrait remettre un peu de baume au cœur à la Ferme France. L’événement qui accueille chaque année quelque 650 000 visiteurs est l’occasion de prendre la mesure de l’attache- ment des Français au monde paysan et leur intérêt grandis- sant pour les questions d’agri- culture et d’alimentation.
Pour ouvrir le débat, La Croixa demandé à deux grandes fi- gures du monde paysan, Chris- tiane Lambert, présidente de
la FNSEA, le premier syndicat agricole français, et José Bové, eurodéputé Europe Écologie- Les Verts, de confronter leur vi- sion et leurs raisons d’espérer.Antoine d’Abbundo
Christiane Lambert
Présidente de la FNSEA
José Bové
Eurodéputé écologiste
tRevenu agricole,
usage des phytosanitaires, glyphosate, attentes de
la société, rôle de l’Europe...
tÀ la veille du Salon
de l’agriculture, Christiane Lambert et José Bové
en discutent avec passion.
Après les états généraux
de l’alimentation, une loi
pour rééquilibrer les relations commerciales et une série d’ordonnances, la question
du revenu des agriculteurs est-elle en passe d’être réglée ?Christiane Lambert : Tout ne se
réglera pas par un claquement de doigts. On s’attaque à quarante ans de guerre des prix au nom du pouvoir d’achat des consom- mateurs, au détriment du revenu des producteurs. Aujourd’hui, nous sommes au bout de cette logique du toujours moins cher. La loi apporte des outils contrai- gnants pour mieux répartir la va- leur entre producteurs, transfor- mateurs et distributeurs. Mais il faudra encore du travail pour faire rentrer dans le rang des gens qui ont pris de mauvaises habitudes. Les négociations commerciales actuelles montrent des signes positifs, notamment dans le do- maine emblématique du lait. Par contre, les distributeurs conti-
Présidente de la FNSEA
José Bové
Eurodéputé écologiste
tRevenu agricole,
usage des phytosanitaires, glyphosate, attentes de
la société, rôle de l’Europe...
tÀ la veille du Salon
de l’agriculture, Christiane Lambert et José Bové
en discutent avec passion.
Après les états généraux
de l’alimentation, une loi
pour rééquilibrer les relations commerciales et une série d’ordonnances, la question
du revenu des agriculteurs est-elle en passe d’être réglée ?Christiane Lambert : Tout ne se
réglera pas par un claquement de doigts. On s’attaque à quarante ans de guerre des prix au nom du pouvoir d’achat des consom- mateurs, au détriment du revenu des producteurs. Aujourd’hui, nous sommes au bout de cette logique du toujours moins cher. La loi apporte des outils contrai- gnants pour mieux répartir la va- leur entre producteurs, transfor- mateurs et distributeurs. Mais il faudra encore du travail pour faire rentrer dans le rang des gens qui ont pris de mauvaises habitudes. Les négociations commerciales actuelles montrent des signes positifs, notamment dans le do- maine emblématique du lait. Par contre, les distributeurs conti-
nuent de faire pression sur le prix des viandes. Nous allons donc res- ter très vigilants pour faire res- pecter la loi.
José Bové : Lorsque j’ai été élu au Parlement européen, en 2009, le premier rapport que j’ai rédigé concernait le partage équitable de la valeur entre les agriculteurs, les industriels et la grande distri- bution. Depuis, la réalité n’a que peu changé : la grande distribu- tion dispose toujours d’un pou- voir exorbitant. À la fois face aux producteurs, qui n’arrivent pas à obtenir une juste rétribution, mais aussi face aux PME de la transfor- mation prises entre le marteau et l’enclume pour négocier les prix. Le travail face à la distribution est loin d’être terminé, même si on avance dans la bonne direction.
La FNSEA dénonce régulièrement
« l’agribashing »,
le dénigrement systématique de l’agriculture française par des ONG.
Pourquoi cette offensive ?
C. L. : N’inversons pas les rôles ! C’est parce qu’il y a des ONG très agressives, qui pratiquent la déla- tion et la menace, parfois la vio- lence, que nous réagissons pour dire stop. L’activisme, les vidéos trash, la radicalisation ne sont plus supportables. La FNSEA, syndicat responsable, est au tra- vail pour améliorer certaines pra- tiques vis-à-vis du sol, de la bio- diversité, des phytosanitaires, du bien-être animal. Nous voulons répondre aux nouvelles attentes des marchés et de la société, mais n’acceptons plus la caricature ex- trême qui blesse et décourage les agriculteurs.
José Bové : Lorsque j’ai été élu au Parlement européen, en 2009, le premier rapport que j’ai rédigé concernait le partage équitable de la valeur entre les agriculteurs, les industriels et la grande distri- bution. Depuis, la réalité n’a que peu changé : la grande distribu- tion dispose toujours d’un pou- voir exorbitant. À la fois face aux producteurs, qui n’arrivent pas à obtenir une juste rétribution, mais aussi face aux PME de la transfor- mation prises entre le marteau et l’enclume pour négocier les prix. Le travail face à la distribution est loin d’être terminé, même si on avance dans la bonne direction.
La FNSEA dénonce régulièrement
« l’agribashing »,
le dénigrement systématique de l’agriculture française par des ONG.
Pourquoi cette offensive ?
C. L. : N’inversons pas les rôles ! C’est parce qu’il y a des ONG très agressives, qui pratiquent la déla- tion et la menace, parfois la vio- lence, que nous réagissons pour dire stop. L’activisme, les vidéos trash, la radicalisation ne sont plus supportables. La FNSEA, syndicat responsable, est au tra- vail pour améliorer certaines pra- tiques vis-à-vis du sol, de la bio- diversité, des phytosanitaires, du bien-être animal. Nous voulons répondre aux nouvelles attentes des marchés et de la société, mais n’acceptons plus la caricature ex- trême qui blesse et décourage les agriculteurs.
José Bové, partagez-vous
cette analyse ? Vous avez vous-même soutenu des actions parfois radicales...J. B. : J’ai fait plus que de les
soutenir, j’y ai participé en fau- chant des champs d’OGM, ce qui a d’ailleurs abouti à l’interdiction de ces cultures en 2008. Mais j’ai toujours agi à visage découvert, en assumant la responsabilité et les conséquences de mes actes.
« Si, demain, l’agriculture devait s’effondrer, c’est la survie
de l’humanité
qui serait en cause. »
Ceci dit, je constate que les ci- toyens n’ont jamais eu autant en- vie de s’engager dans le débat sur l’agriculture et l’alimentation. Et je trouve cela plutôt rassurant car ce sont des sujets qui nous concer- nent tous, ne serait-ce que parce que nous avons la chance de man- ger trois fois par jour.
Au niveau européen, je vois aussi beaucoup d’ONG impliquées dans le débat sur la politique agri- cole commune ou les enjeux éco- logiques. Non pas d’une manière frontale, mais avec le souci de pro- mouvoir une agriculture plus res- pectueuse de l’environnement et du bien-être animal. Et ça, c’est un vrai débat de fond.
cette analyse ? Vous avez vous-même soutenu des actions parfois radicales...J. B. : J’ai fait plus que de les
soutenir, j’y ai participé en fau- chant des champs d’OGM, ce qui a d’ailleurs abouti à l’interdiction de ces cultures en 2008. Mais j’ai toujours agi à visage découvert, en assumant la responsabilité et les conséquences de mes actes.
« Si, demain, l’agriculture devait s’effondrer, c’est la survie
de l’humanité
qui serait en cause. »
Ceci dit, je constate que les ci- toyens n’ont jamais eu autant en- vie de s’engager dans le débat sur l’agriculture et l’alimentation. Et je trouve cela plutôt rassurant car ce sont des sujets qui nous concer- nent tous, ne serait-ce que parce que nous avons la chance de man- ger trois fois par jour.
Au niveau européen, je vois aussi beaucoup d’ONG impliquées dans le débat sur la politique agri- cole commune ou les enjeux éco- logiques. Non pas d’une manière frontale, mais avec le souci de pro- mouvoir une agriculture plus res- pectueuse de l’environnement et du bien-être animal. Et ça, c’est un vrai débat de fond.
Malgré plusieurs plans Ecophyto, l’usage des pesticides continue d’augmenter en France. Peut-on continuer ainsi longtemps ?C. L. : Lors du Grenelle de l’envi-
ronnement, en 2007, il a été pro- clamé qu’il fallait réduire les pes- ticidesde50%etpasserà20%de produits bio. Ces injonctions poli- tiques étaient déraisonnables car on ne s’est pas donné les moyens. Pourtant, ce sont les agriculteurs que l’on stigmatise.
Pourquoi l’usage de phytosani- taires ne baisse-t-il pas ? En France, on a choisi comme indicateur le Nodu, le nombre de doses utilisées. Celui-ci est en hausse parce que l’on a interdit des molécules jugées problématiques, ce qui oblige à re- courir à d’autres, moins efficaces, donc utilisées à haute dose. Mais le volume de phytosanitaires est, lui, bien orienté à la baisse. C’est par la recherche et l’innovation que l’on trouvera des alternatives aux pes- ticides. Voilà pourquoi la FNSEA a lancé, avec 42 partenaires, un « contrat de solutions », pour iden- tifier les leviers de changement, les surcoûts, les compensations à mettre en place. Pour faire évo- luer les pratiques, il faut du temps et des moyens, en particulier pour accompagner les agriculteurs.
J. B. : Je n’ai jamais utilisé de pesticide dans mes champs, preuve qu’il est possible de s’en passer. Mais ce n’est pas seulement un choix personnel, c’est une né- cessité collective. Ce ne sont pas les écologistes qui l’affirment,
ronnement, en 2007, il a été pro- clamé qu’il fallait réduire les pes- ticidesde50%etpasserà20%de produits bio. Ces injonctions poli- tiques étaient déraisonnables car on ne s’est pas donné les moyens. Pourtant, ce sont les agriculteurs que l’on stigmatise.
Pourquoi l’usage de phytosani- taires ne baisse-t-il pas ? En France, on a choisi comme indicateur le Nodu, le nombre de doses utilisées. Celui-ci est en hausse parce que l’on a interdit des molécules jugées problématiques, ce qui oblige à re- courir à d’autres, moins efficaces, donc utilisées à haute dose. Mais le volume de phytosanitaires est, lui, bien orienté à la baisse. C’est par la recherche et l’innovation que l’on trouvera des alternatives aux pes- ticides. Voilà pourquoi la FNSEA a lancé, avec 42 partenaires, un « contrat de solutions », pour iden- tifier les leviers de changement, les surcoûts, les compensations à mettre en place. Pour faire évo- luer les pratiques, il faut du temps et des moyens, en particulier pour accompagner les agriculteurs.
J. B. : Je n’ai jamais utilisé de pesticide dans mes champs, preuve qu’il est possible de s’en passer. Mais ce n’est pas seulement un choix personnel, c’est une né- cessité collective. Ce ne sont pas les écologistes qui l’affirment,
Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, et José Bové, eurodéputé écologiste, confrontent leur vision du monde agricole. Bruno Levy pour La Croix
P P P mais les scientifiques : face à la perte de biodiversité, il est ur- gent de réagir. Car si, demain, l’agriculture devait s’effondrer, c’est la survie de l’humanité qui serait en cause.
Hier, quand on avait un pro- blème sur une culture, on appli- quait le produit recommandé par le marchand sans chercher plus loin. Aujourd’hui, les paysans sont les premiers à s’interroger sur leurs pratiques car ils savent qu’ils sont les premières vic- times des phytosanitaires et des firmes qui les vendent. On a vu, avec Monsanto et le glyphosate, qu’elles pouvaient raconter n’im- porte quoi.
Emmanuel Macron semble prêt à revenir sur son engagement d’interdire
ce produit controversé. Pragmatisme ou renoncement ?J. B. : Le débat européen sur le
glyphosate a été mouvementé. Il
repères
agriculture
salon 2019
La 56e édition du Salon interna- tional de l’agriculture (SIA)
se tient du 23 février au 3 mars au Parc des expositions,
Porte de Versailles, à Paris.
Premier salon agricole d’Eu- rope, le SIA a accueilli l’an dernier 672 568 visiteurs.
Hier, quand on avait un pro- blème sur une culture, on appli- quait le produit recommandé par le marchand sans chercher plus loin. Aujourd’hui, les paysans sont les premiers à s’interroger sur leurs pratiques car ils savent qu’ils sont les premières vic- times des phytosanitaires et des firmes qui les vendent. On a vu, avec Monsanto et le glyphosate, qu’elles pouvaient raconter n’im- porte quoi.
Emmanuel Macron semble prêt à revenir sur son engagement d’interdire
ce produit controversé. Pragmatisme ou renoncement ?J. B. : Le débat européen sur le
glyphosate a été mouvementé. Il
repères
agriculture
salon 2019
La 56e édition du Salon interna- tional de l’agriculture (SIA)
se tient du 23 février au 3 mars au Parc des expositions,
Porte de Versailles, à Paris.
Premier salon agricole d’Eu- rope, le SIA a accueilli l’an dernier 672 568 visiteurs.
faut savoir que Monsanto a refusé de venir devant le Parlement eu- ropéen, ce qui lui vaut désormais d’y être placé sur liste noire. Fina- lement, l’Europe a opté pour une autorisation de cinq ans renou- velable. J’aurais voulu qu’on aille plus loin comme l’avait décidé le président Macron, suivant la re- commandation de Nicolas Hulot. Mais il recule sous la pression. Je n’en suis pas satisfait.
C. L. : En annonçant, en 2017, que la France sortirait du glypho- sate en trois ans alors que l’Union européenne reconduisait l’autori- sation du produit pour cinq ans, le président Macron a rendu le débat ingérable. En admettant, récemment, qu’une interdic- tion menacerait certaines filières parce qu’il n’y a pas d’alternative crédible à cet herbicide, il semble enfin comprendre qu’on ne peut pas laisser les agriculteurs sans solution.
« L’agriculture : des femmes, des hommes, des talents ! »est le thème retenu
cette année pour mettre
à l’honneur les professionnels des quatre filières : élevage, cultures et filières végétales, services et métiers de l’agriculture, produits
de France, d’outre-mer et du monde.
Les tarifs et les billets
sont disponibles
sur le site : www.salon- agriculture.com
C. L. : En annonçant, en 2017, que la France sortirait du glypho- sate en trois ans alors que l’Union européenne reconduisait l’autori- sation du produit pour cinq ans, le président Macron a rendu le débat ingérable. En admettant, récemment, qu’une interdic- tion menacerait certaines filières parce qu’il n’y a pas d’alternative crédible à cet herbicide, il semble enfin comprendre qu’on ne peut pas laisser les agriculteurs sans solution.
« L’agriculture : des femmes, des hommes, des talents ! »est le thème retenu
cette année pour mettre
à l’honneur les professionnels des quatre filières : élevage, cultures et filières végétales, services et métiers de l’agriculture, produits
de France, d’outre-mer et du monde.
Les tarifs et les billets
sont disponibles
sur le site : www.salon- agriculture.com
Sa dangerosité est-elle un
vrai ou un faux débat ?C. L. : C’est aux scientifiques de
se prononcer. Or, je constate que l’Anses, l’agence française chargée de la sécurité alimentaire, n’a pas été assez écoutée dans ce dossier et a même été contestée par le prési- dent Macron, ce qui pose problème.
J. B.: Il y a une autre agence, le Circ, qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé, qui estime que le glyphosate est un cancé- rogène probable. On ne peut pas faire comme si cela n’existait pas. Il y a tout de même un principe de précaution...
C. L. : Oui, mais il ne peut deve- nir un principe d’immobilisme. Précaution doit pouvoir rimer avec innovation.
Une réforme de la politique agricole commune (PAC) est
à venir. Qu’en attendez-vous ?J. B. : Si l’on reste dans le cadre
d’un budget limité à 1 % du PIB eu- ropéen, on n’avancera pas. D’au- tant que vient s’ajouter le sujet calamiteux du Brexit qui va forte- ment déstabiliser certaines filières agricoles. Si, en plus, on baisse le budget de la PAC de 10 % comme l’envisage la Commission, on en- trerait dans une zone de turbu- lences comme on n’en a pas connu depuis longtemps. D’autant qu’on continue d’empiler les accords commerciaux bilatéraux qui me- nacent la capacité de l’Union à as- surer sa souveraineté alimentaire.
En libéralisant à outrance les marchés agricoles, on tue l’agri- culture. En Europe et à l’étranger.
vrai ou un faux débat ?C. L. : C’est aux scientifiques de
se prononcer. Or, je constate que l’Anses, l’agence française chargée de la sécurité alimentaire, n’a pas été assez écoutée dans ce dossier et a même été contestée par le prési- dent Macron, ce qui pose problème.
J. B.: Il y a une autre agence, le Circ, qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé, qui estime que le glyphosate est un cancé- rogène probable. On ne peut pas faire comme si cela n’existait pas. Il y a tout de même un principe de précaution...
C. L. : Oui, mais il ne peut deve- nir un principe d’immobilisme. Précaution doit pouvoir rimer avec innovation.
Une réforme de la politique agricole commune (PAC) est
à venir. Qu’en attendez-vous ?J. B. : Si l’on reste dans le cadre
d’un budget limité à 1 % du PIB eu- ropéen, on n’avancera pas. D’au- tant que vient s’ajouter le sujet calamiteux du Brexit qui va forte- ment déstabiliser certaines filières agricoles. Si, en plus, on baisse le budget de la PAC de 10 % comme l’envisage la Commission, on en- trerait dans une zone de turbu- lences comme on n’en a pas connu depuis longtemps. D’autant qu’on continue d’empiler les accords commerciaux bilatéraux qui me- nacent la capacité de l’Union à as- surer sa souveraineté alimentaire.
En libéralisant à outrance les marchés agricoles, on tue l’agri- culture. En Europe et à l’étranger.
« Il faut en finir avec ces traités commerciaux qui ouvrent grand
le marché européen à des produits agricoles qui ne respectent pas les règles et les normes que l’on impose
à nos agriculteurs. »
Ne nous étonnons pas que des gens quittent leur pays pour venir en Europe parce qu’ils ne peuvent plus vivre de leur terre.
C. L. : Comment soutenir le mo- dèle d’agriculture familiale que l’on a en France ? La PAC apporte une aide directe aux exploitations qui doit rester un pilier. Ensuite, il faut trouver le bon équilibre avec les autres dispositifs environne- mentaux et climatiques. Il faut également développer des outils de gestion des risques, des sys- tèmes assurantiels qui permettent aux agriculteurs d’être moins fragi- lisés par les aléas climatiques, sa- nitaires ou économiques. Tout cela demande des moyens. Or, avec le Brexit et les nouvelles priorités à financer – la défense, les migrants ou la recherche –, je crains que le budget de la PAC n’en fasse les frais. Ce qui serait inacceptable.
le marché européen à des produits agricoles qui ne respectent pas les règles et les normes que l’on impose
à nos agriculteurs. »
Ne nous étonnons pas que des gens quittent leur pays pour venir en Europe parce qu’ils ne peuvent plus vivre de leur terre.
C. L. : Comment soutenir le mo- dèle d’agriculture familiale que l’on a en France ? La PAC apporte une aide directe aux exploitations qui doit rester un pilier. Ensuite, il faut trouver le bon équilibre avec les autres dispositifs environne- mentaux et climatiques. Il faut également développer des outils de gestion des risques, des sys- tèmes assurantiels qui permettent aux agriculteurs d’être moins fragi- lisés par les aléas climatiques, sa- nitaires ou économiques. Tout cela demande des moyens. Or, avec le Brexit et les nouvelles priorités à financer – la défense, les migrants ou la recherche –, je crains que le budget de la PAC n’en fasse les frais. Ce qui serait inacceptable.
Il faut aussi en finir avec ces traités commerciaux qui ouvrent grand le marché européen à des produits agricoles qui ne respec- tent pas les règles et les normes que l’on impose à nos agriculteurs et qui trompent les consomma- teurs. L’agriculture ne doit plus être la variable d’ajustement de la politique commerciale de Bruxelles.
Le tableau est plutôt désespérant...J. B. : « Il n’y a pas de pays sans
paysan », disait Raymond La- combe, une figure historique du syndicalisme agricole, et cela ré- sume l’essentiel. Du paysan dé- pendent notre alimentation, mais aussi notre environnement. La campagne fait partie de l’équi- libre du monde. Alors, aux jeunes, je n’ai qu’un conseil à donner : de- venez paysan ou paysanne. C’est le meilleur métier du monde !
C. L. : Ce n’est pas la première crise que traverse l’agriculture. En 1984, avec la fin des quotas laitiers, beaucoup pensaient que c’était la fin du monde. C’était la fin d’un monde. Le monde agri- cole est soumis à des pressions fortes, et certains agriculteurs peuvent se sentir abandonnés et humiliés. Mais ils savent que les Français attendent beaucoup d’eux et ils sont prêts à relever le défi. La France est belle parce qu’elle est cultivée. Il n’y a pas de territoires prospères sans une agriculture qui tient debout.Recueilli par Antoine d’Abbundo et Marie Dancer
Le tableau est plutôt désespérant...J. B. : « Il n’y a pas de pays sans
paysan », disait Raymond La- combe, une figure historique du syndicalisme agricole, et cela ré- sume l’essentiel. Du paysan dé- pendent notre alimentation, mais aussi notre environnement. La campagne fait partie de l’équi- libre du monde. Alors, aux jeunes, je n’ai qu’un conseil à donner : de- venez paysan ou paysanne. C’est le meilleur métier du monde !
C. L. : Ce n’est pas la première crise que traverse l’agriculture. En 1984, avec la fin des quotas laitiers, beaucoup pensaient que c’était la fin du monde. C’était la fin d’un monde. Le monde agri- cole est soumis à des pressions fortes, et certains agriculteurs peuvent se sentir abandonnés et humiliés. Mais ils savent que les Français attendent beaucoup d’eux et ils sont prêts à relever le défi. La France est belle parce qu’elle est cultivée. Il n’y a pas de territoires prospères sans une agriculture qui tient debout.Recueilli par Antoine d’Abbundo et Marie Dancer
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