Agriculture. L’accélération du
réchauffement climatique fait peser
de fortes incertitudes sur la
production agricole mondiale dans
les prochaines décennies, ont averti
dimanche des scientifiques, certains
jugeant inévitables de profonds
changements de la société
pour y faire face.
Journal Centre Presse du 17 janvier 2015
«Nous pourrons nourrir le monde en 2050
mais pour cela il faudra prendre des mesures
pour minimiser les effets du changement
climatique sur la production agricole
», a estimé Jerry Hatfield, directeur du laboratoire
national américain pour l’agriculture
et l’environnement.
Il faudra doubler la production alimentaire
dans les 35 prochaines années pour nourrir
les neuf milliards de personnes que comptera
la planète en 2050 contre sept milliards
aujourd’hui. Ce sera l’équivalent de
ce que l’agriculture mondiale a produit depuis
cinq siècles. «Mais l’extrême volatilité
des précipitations dans les grandes plaines
de cultures américaines par exemple,
l’accroissement de la sécheresse couplée à
une montée des températures, affecte les
rendements agricoles, ce qui nécessite
d’agir pour minimiser le réchauffement »,
a-t-il insisté.
Ces sols qu’on assassine
Au niveau mondial, la capacité actuelle
d’utilisation des terres et la productivité
vont continuer à dégrader les sols, a-t-il
ajouté. Les grandes plaines américaines
vont probablement connaître au
XXIe siècle des sécheresses bien pires que
celles du dernier millénaire, menaçant ses
habitants, avaient annoncé jeudi d’autres
scientifiques au premier jour de la conférence.
Leur prédiction repose sur des simulations
effectuées avec 17 modèles informatiques
sur l’évolution du climat.
«Le changement climatique se produit tellement
vite que nous allons faire face à
une situation sans précédent dans l’histoire
de la civilisation humaine face à laquelle
nous n’avons aucune expérience », a relevé
le climatologue Kenneth Kunkel. «Si
nous pouvons (en réduisant les émissions
de gaz à effet de serre NDLR) freiner le réchauffement,
nous pourrions avoir plus de
temps pour trouver des solutions », selon
lui. Mais cela ne paraît pas se produire vu
l’absence de consensus dans la société
pour agir contre le changement climatique,
a-t-il déploré.
Trop de viande
James Gerber, expert agricole de l’Université
du Minnesota, a noté que parmi les mesures
utiles face au risque de crise de la
production alimentaire figuraient une réduction
de l’énorme gaspillage dans la
consommation ainsi qu’une diminution de
viande rouge dans le régime alimentaire.
Cela permettrait de réduire la taille des
cheptels et leur impact environnemental.
Ils sont responsables de 15% des émissions
mondiales de méthane, un puissant
gaz à effet de serre.
Il n’a pas non plus écarté à un recours plus
étendu aux récoltes OGM, petit réflexe
bien américain.
10, 20 ans
Ce chercheur a en outre identifié «des facteurs
un peu préoccupants comme la diminution
des réserves mondiales de céréales
qui réduit la marge de sécurité alimentaire.
» Il s’est aussi inquiété du fait que la
plus grande partie de la production céréalière
soit concentrée dans des régions vulnérables
au réchauffement. Pour Jerry Hartfield,
il va falloir malgré ces contraintes accroître
les rendements des cultures en recourant
à la génétique et à une gestion différente
de l’environnement.
Plus sombre, Paul Ehrlich, président du
«Center for conservation biology », à
l’Université Stanford, a estimé que « nous
sommes confrontés à un problème gigantesque
qui va nécessiter un véritable changement
social et culturel sur toute la planète
et nous avons très peu de temps. Si nous
avions mille ans pour résoudre ce problème
je serais très “relax” mais nous avons
peut-être dix ou vingt ans».
Peut-être.
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