« Nous avons ramené le monde au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce ». C’est en ces termes que Roberto Azevêdo, le tout nouveau directeur général de l’Organisation (OMC) a commenté l’accord historique intervenu à Bali la nuit dernière après une semaine d’intenses tractations. « Je suis ravi de dire que, pour la première fois dans notre histoire : l’OMC a vraiment produit quelque chose », a-t-il poursuivi. Agriculture; facilitation des échanges commerciaux; développement; une quinzaine de texte ont été approuvés à l’unanimité des 160 ministres du commerce présent dans l’île indonésienne.
« Les 160 Etats membres de l’OMC ont conclu ce jour un accord - le 1er depuis 2001 - qui ouvre une nouvelle page du système commercial multilatéral », a réagi la ministre française du commerce, Nicole Bricq avant d’ajouter qu’ « au cours de cette négociation l’esprit de compromis l’a emporté afin de sauver le système multilatéral, seul à même de garantir que tous les pays, quelles que soient leur taille ou leur puissance, participent à l’élaboration et a la mise en œuvre des règles du commerce international ». L’International Chamber of Commerce (ICC) s’est également félicitée de cet accord « historique » qui, « non seulement restaurera la confiance dans le système multilatéral mais générera une stimulation de l’économie mondiale de 1000 milliards de dollars et 21 millions d’emplois ».
Inflexibilité indienne
Tout n’a pourtant pas été facile. Loin de là. Durant les sessions de négociations, la partie indienne s’est montrée inflexible sur le sujet de sa sécurité alimentaire. L’Inde et les Etats-Unis se sont longtemps opposés sur les règles de constitution de stocks alimentaires. Jusqu’à la dernière minute, Washington a résisté aux demandes de New Delhi pour finalement capituler. Sur ce point précis, l’Inde a imposé ses vues. New Delhi soucieux d’alimenter ses 800 millions de personnes pauvres va pourvoir se constituer des stocks alimentaires en achetant à des prix supérieurs aux prix du marché – largement au dessus des 10 % permis par l’OMC - des denrées alimentaires de base pour les revendre à bas prix.
Néanmoins, cette politique est permise à la condition que les partenaires de l’Inde soient tenu informés du montant exact des stocks constitués. En outre, pour calmer les craintes des pays en développement de voir les stocks indiens utilisés à l’exportation l’accord prévoit que tout pays recourant à cette pratique « veillera à ce que les stocks (…) n’aient pas d’effet de distorsion des échanges et n’aient pas d’effet défavorable sur la sécurité alimentaire d’autres Membres ». La question n’est pas pour autant réglée définitivement. Les travaux vont se poursuivre au sein du Comité de l’agriculture. Les membres de l’OMC se sont donné jusqu’à la onzième conférence ministérielle (d’ici 4 ans normalement) pour trouver une solution permanente et durable.
Un fois ce compromis obtenu, l’ensemble des autres textes sur la table a pu être approuvé. Ainsi celui concernant la facilitation des échanges commerciaux que l’Inde voulait bien reconnaitre à la condition d’obtenir satisfaction sur ses demandes agricoles. Tous les pays membres se sont donc engagés à faciliter le passage en douanes des produits circulant à travers le monde. Numérisation des documents douaniers, recours à internet, procédures simplifiée, accélération du passage en douane des denrées périssables…
Trois groupes de pays
Reste que tout le monde n’est pas à la même enseigne puisque les pays développés sont plus en avance que les pays en développement ou les pays pauvres. C’est pourquoi trois groupes de pays ont été répertoriés, les premiers pouvant mettre en œuvre immédiatement les mesures, les deuxièmes auront deux ans et les troisièmes, quatre ans. « Il est vrai que des aides seront octroyées pour les pays pauvres.
C’est une politique qui est déjà mis en place avec notamment la Banque Mondiale. Au bout du compte, tous les pays seront gagnants. Il est faux de dire que les pays développés uniquement en profiteront. Il ne faut pas oublier le formidable développement des échanges Sud-Sud », témoignait un négociateur européen. Les pays pauvres n’ont d’ailleurs pas été oubliés. Afin de mieux les insérer dans le commerce mondial et dans la création des chaines de valeurs internationales, les 49 Pays les Moins Avancés (PMA) se voient offrir des facilités d’exportation vers les marchés des pays riches. Selon l’accord, ils pourront exporter en franchise de droits de douanes des produits dont 25 % seulement de la valeur ajoutée aura été générée chez eux.
Si la ministérielle de Bali est un succès incontestable, il ne faut pas pour autant en surestimer la portée. Comme le souligne un négociateur, c’est un premier pas dans la bonne direction. Le paquet sur la table avait été suffisamment restreint pour permettre l’émergence d’un consensus. Les sujets épineux ont été soigneusement expurgés. C’est la stratégie, dans le jargon de l’OMC, dite «low-handling fruits » (NDLR : les fruits du bas de l’arbre peuvent être cueillis facilement). La récolte des fruits du haut demandera beaucoup d’effort. Pour l’heure, l’OMC ne s’est offerte qu’un sursis.
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