mercredi 14 septembre 2011

Paysan, un choix, un destin

Xavier BEULIN Président de la FNSEA
Avec les crises écologiques et alimentaires en cours, l’image du monde paysan est durement touchée. ‣ Les agriculteurs sont pourtant les premiers artisans du vivant, les acteurs indispensables de la conservation de la biodiversité. ‣ Les exemples se multiplient d’une agriculture de plus en plus diverse, au service des consommateurs.

La plupart des agriculteurs ont toujours voulu être paysans. Ils ne se souviennent pas, enfants, avoir envisagé une autre vie. Ils ont vu leurs parents et avant eux leurs grands-parents se passionner pour leur travail, scruter le ciel avec inquiétude, lire le trouble discret sur leur visage lors du décès d’un jeune veau. Ils ont vu leur regard fier sur ces terres, l’émotion face à un cadastre durement acquis, sur lequel s’accumule un nombre incalculable d’heures de travail… Ils ont imité leur père lorsqu’il se baissait pour toucher la terre. Il commentait sa texture, son contenu, sa qualité avec une expertise et un amour qu’il ne pouvait que leur transmettre. Ils se sont donc installés par choix, presque par évidence. Ils avaient un diplôme, ils avaient une expérience. Ils étaient préparés.

Ils ont rapidement compris que l’Europe et la France, qui est parmi ses meilleurs élèves, leur dictaient comment aimer leur terre. Mais les ressources ne sont pas infinies, les dérèglements climatiques sont une réalité, les terres sont rares et ce sont eux, artisans du vivant, qui sont leurs premiers protecteurs. La France est mondialement reconnue pour ses performances, grâce au travail, génération après génération, des agriculteurs qui ont su sélectionner leurs cheptels et leurs végétaux au fil des ans, notamment par des investissements constants dans l’amélioration génétique et les technologies. Ils sont ainsi des acteurs indispensables de la conservation d’une biodiversité parfois menacée. Ils ont fait des talus pour limiter la propagation des maladies, pour couper du vent, pour lutter contre l’érosion des sols, en cas de pluie par exemple. Ils ont planté des arbres qui, sous leurs airs esseulés, constituent des repères pour les animaux et des lieux de protection sûrs pour la faune sauvage.
Ils ont aussi implanté des bandes enherbées près des cours d’eau et des fossés. Ces espaces jouent le rôle de tampon pour préserver la qualité de l’eau. Avec les parcelles qu’ils laissent régulièrement en jachère, ces bandes favorisent le passage des espèces et accueillent de nombreuses fleurs qui nourrissent les abeilles et émerveillent les promeneurs.
Ils ont aussi construit avec leurs enfants des cabanes et de petits abris pour que les animaux viennent se nicher.
Il y a, par exemple, Brigitte dans le Languedoc-Roussillon qui a planté une variété précoce de cerise, l’Earlise, afin d’éviter tout traitement sur l’arbre. Ou encore Sébastien, dans l’Indre, qui a pu s’agrandir en élevant un troupeau de vaches fortement menacées, la race Casta, sur les terres d’une réserve en partenariat avec des naturalistes.
Ces exemples d’agriculteurs qui allient chaque jour performance économique et impératif écologique sont loin d’être anecdotiques. Des milliers d’agriculteurs ont fait le choix du tourisme vert, des circuits courts en production raisonnée, conventionnelle ou biologique , de l ’autosuffisance énergétique par des investissements en éolien, photovoltaïque ou méthanisation, des biocarburants, de la vente directe par Internet, et la liste est encore longue. Aujourd’hui, l’agriculture est diverse et plurielle ; elle répond à une demande des consommateurs et de nos concitoyens, elle-même très diverse.
Il faut seulement s’éloigner un peu des discours injustes et faciles de ceux qui accusent l’agriculture de tous les maux, pour pousser les portes des fermes. Il faut poser des questions, regarder le travail, discuter avec les paysans qui en seront ravis.
Leur mission première est vitale, celle de nourrir les hommes. La fierté est immense d’alimenter 65 millions de Français et 500 millions d’Européens de manière saine et sûre (1). Mais ils font bien plus que ça : ils entretiennent les paysages, ils préservent l’environnement, ils façonnent les territoires ruraux, ils créent des centaines de milliers d’emplois…
Il est indispensable qu’au lendemain du G20 agricole et à l’horizon d’une nouvelle politique agricole commune en 2013, les consommateurs comme nos dirigeants prennent la mesure de ce qu’est un agriculteur aujourd’hui. L’environnement fait partie intégrante de leur métier d’agriculteur et ce métier, ils l’aiment et ils le font bien.
Il faut seulement s’éloigner un peu des discours injustes et faciles de ceux qui accusent l’agriculture de tous les maux, pour pousser les portes des fermes. Il faut poser des questions, regarder le travail, discuter avec les paysans qui en seront ravis.
(1) La France est le pays qui enregistre la plus faible fréquence d’accidents alimentaires.

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