Comment la France peut-elle remplir ses engagements environnementaux et assurer un avenir meilleur à ses filières bovines ? En définissant « une stratégie de réduction du cheptel bovin cohérente avec les objectifs climatiques » et « en développant un dispositif d’aides à la reconversion » pour les éleveurs les plus en difficulté. Telle est la recommandation formulée par la Cour des comptes dans un rapport rendu public le 22 mai 2023.

Évaluer l’efficacité des aides publiques, en particulier la Pac

L’objectif de ce rapport était de recenser et évaluer les soutiens publics apportés à l’élevage de bovins laitiers et allaitants, et d’en évaluer les résultats au regard des objectifs qui leur sont assignés. Comme à son habitude, la Cour des comptes porte un regard froid et très critique. Elle estime à 4,3 milliards d’euros le montant des aides publiques alloués aux éleveurs de bovins pour cette activité. « L’élevage bovin demeure, de loin, l’activité agricole la plus subventionnée en France », assure la cour.

C’est à ce prix que la France a pu maintenir sa capacité de production de lait de vache et de viande bovine, estime la Cour des comptes. « Pour autant, le modèle économique des exploitations d’élevage apparaît fragile et sa viabilité reste dépendante du niveau élevé d’aides publiques. La situation est particulièrement préoccupante en élevage allaitant, avec 20 % d’exploitations présentant en 2019 un résultat courant avant impôt négatif malgré les aides, contre environ 5 % en élevage laitier. »

Sans les aides publiques, « 90 % des exploitations allaitantes et 40 % des exploitations laitières » seraient dans cette situation, selon le ministère de l’Agriculture. La Cour des comptes souligne aussi le problème de renouvellement des générations lié au montant des reprises, mais pas seulement. « Peu rémunérateur, assorti de contraintes fortes et de conditions de travail pénibles, le métier d’éleveur suscite de moins en moins de vocations », ajoute-t-elle.

Des émissions de gaz à effet de serre qui « restent importantes »

Sur le plan environnemental, la Cour des comptes est également critique vis-à-vis de l’élevage bovin. Son « bilan […] pour le climat est défavorable, affirme-t-elle. Malgré certains effets de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), comme le stockage de carbone dans le sol des prairies permanentes, globalement les émissions de GES restent toujours très importantes, principalement en raison du méthane produit lors de la digestion des animaux. »

L’institution avance que les émissions d’équivalents CO2 de l’élevage bovins sont « comparables à celles des bâtiments résidentiels du pays » : 11,8 % des émissions françaises. Et le couperet tombe : « Le respect des engagements de la France en matière de réduction des émissions de méthane (souscrits dans l’accord international Global Methane Pledge) appelle nécessairement une réduction importante du cheptel. »

Autant dire que les services sociétaux et environnementaux « de première importance » que rend l’élevage ne pèsent pas lourd dans la balance. D’autant que pour la Cour des comptes, cette réduction du cheptel « peut être aisément conciliée avec les besoins en nutrition des Français, un tiers d’entre eux consommant davantage que le plafond de 500 g par semaine de viande rouge préconisé par le plan national nutrition santé ».

« Clarifier » la politique de soutien à l’élevage bovin

L’institution reproche même au ministère de l’Agriculture de ne pas avoir intégré « directement l’enjeu de réduction du cheptel » dans la nouvelle Pac. « Il retient même certains indicateurs non pertinents pour mesurer l’effort de l’agriculture dans la lutte contre le réchauffement climatique : l’augmentation des surfaces de prairies ne conduit pas à réduire les émissions, si elle s’accompagne d’un cheptel supplémentaire émettant davantage de gaz à effet de serre que sa prairie n’en stocke. »

Que propose la Cour des comptes ? De clarifier la politique de soutien à l’élevage bovin, lui reprochant une « absence de choix clairs [qui] conduit à laisser disparaître les plus fragiles dans de mauvaises conditions, alors même qu’il serait nécessaire de construire un système d’aides plus individualisées, conciliant les paramètres de performance économique et de performance socioenvironnementale. »

Les exploitations qui répondent à ces exigences seraient confortées. Celles « produisant des externalités positives mais peu performantes économiquement ou celles, à l’inverse, viables économiquement mais produisant peu d’externalités pourraient être mieux accompagnées pour tendre vers un modèle d’élevage performant et durable. Enfin, les exploitations en difficulté sur tous les plans pourraient être accompagnées dans une nécessaire reconversion. »