Le Gouvernement a lancé en mai 2021 le « Varenne de l’eau et du changement climatique ».
C’est une réelle opportunité car jusqu’à présent, les réflexions nationales ont surtout porté sur la contribution de l’agriculture à l’atténuation du changement climatique, en réduisant notamment les émissions. Dans le cas du « Varenne », il s’agit de trouver des solutions pour assurer la fonction nourricière de l’agriculture française et de la rendre plus résiliente face au dérèglement climatique. Les propositions d’adaptation doivent mobiliser des compétences pluridisciplinaires pour assurer la performance économique, environnementale et sociétale de l’agriculture.
En effet, l’agriculture est en pleine mutation. Après la Seconde Guerre mondiale, la production était déficitaire et des outils ont été mis en place pour assurer la souveraineté alimentaire de la France. Cette voie a engendré des dérives environnementales. Aujourd’hui, l’agriculture doit aller au-delà de sa fonction nourricière : nourrir en démontrant qu’elle contribue de manière significative aux objectifs de durabilité.
Anticiper le dérèglement climatique
Au niveau mondial, les agriculteurs sont « condamnés » à produire plus pour nourrir un monde de plus en plus peuplé. Et cette nécessité s’inscrit dans un contexte où le rendement de nombreuses espèces cultivées stagne à cause des effets du dérèglement climatique.
En outre, le dérèglement climatique constitue un frein à la mise en œuvre de l’agroécologie. En effet, les pratiques agroécologiques reposent sur la diversification des espèces. Comme pour les espèces qui nous nourrissent, la mise en œuvre de ces pratiques est également fortement soumise aux effets du climat, de plus en plus défavorables, et imprévisibles (sécheresse, excès d’eau, températures excessives, ou au contraire gélives et tardives, rayonnement trop faible...)
Tout va très vite, et il nous faut anticiper : comment la cartographie des espèces va-t-elle évoluer pour identifier par là même les adaptations dans les territoires ?
Accroître la disponibilité en eau
Accroître la disponibilité en eau constitue le levier le plus efficace car elle garantit la stabilité de la production et permet la diversification des espèces. Une solution serait de stocker une partie de l’eau qui tombe en excès pour irriguer sachant que l’eau d’irrigation retourne à l’atmosphère : imaginer en quelque sorte des fermes « eautonomes ». En outre, il est possible de recycler les eaux usées, recyclage qui concerne environ 0,6 % des usages de l’eau en France, contre 8 % en Italie, 14 % en Espagne et 80 % en Israël.
L’agroforesterie qui consiste à faire cohabiter des arbres avec des cultures est une voie à explorer : les racines des arbres descendent en profondeur et jouent le rôle « d’ascenseur hydraulique ». Et aussi, comme l’implantation de couverts permanents qui couvrent le sol, l’agroforesterie exerce un rôle de régulation des inondations.
Poursuivre les recherches en génétique
Sans le progrès génétique, le rendement de l’ensemble des espèces diminuerait. Il est donc primordial de continuer les recherches en génétique d’autant que les variétés récentes sont les plus efficientes vis-à-vis de l’utilisation des ressources.
Avec ces orientations, il devient possible de concilier production et agroécologie.
Philippe Gate, membre de l’Académie d’agriculture de France
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