LA FRANCE AGRICOLE
Il y a une petite dizaine de jours que Thomas Laffore, éleveur dans le piémont des Pyrénées-Atlantiques, signalait une attaque de vautours sur vache et veau vivants. Alerté par un voisin, il arrive trop tard sur le lieu de l’incident et il découvre pas moins d’une centaine de vautours attablés autour d’une vache et de son veau. Ce dernier n’était pas encore totalement sorti, précise l’éleveur.
L’éleveur affirme que les bêtes étaient vivantes et en bonne santé. « Je venais tout juste de changer la vache de pâture. Elle était en parfaite santé la veille aux alentours de 20 heures », argumente-t-il. La problématique n’est pas nouvelle dans la région, mais depuis quelques années, les éleveurs et la FDSEA observent un accroissement des attaques de vautours sur des animaux vivants.
« Le vautour a changé de comportement »
« Cela fait une quinzaine d’années que les vautours sont arrivés dans le piémont. Avant, nous n’en voyions pas ici, ils restaient dans les montagnes », explique Thomas Laffore. Une position partagée par Sébastien Uthurriague, éleveur et vice-président de la FDSEA 64 délégué au Pays basque, et vice-président de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques (en charge de la montagne).
Selon le vice-président, les populations de vautours ont changé de comportement : leur régime alimentaire n’est plus simplement nécrophage. En effet, il a remarqué que les oiseaux se nourrissent aussi d’animaux vivants, et ils se déplacent de plus en plus « bas », autrement dit, dans le piémont et les plaines.
« On a dû changer certaines pratiques qu’on avait en montagne », poursuit Sébastien Uthirriague. Les vaches prêtes à vêler sont maintenant souvent redescendues et rapprochées du bâtiment d’élevage, à l’image de celles de Thomas Laffore.
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La population de vautours augmente
Si le vautour a longtemps été menacé d’extinction, les politiques de protection menées en sa faveur ont été plutôt efficaces. Comme le montre le rapport « Plan national d’actions Vautour fauve et activités d’élevage 2017-2026 », publié en mai 2017, « son état de conservation est satisfaisant à ce jour en Europe, avec des effectifs élevés et en augmentation ».
Pour la FDSEA 64, le constat est alarmant : « Sur le dernier comptage datant de 2019, la population de couples reproducteurs pour le département a augmenté de 51 % en comparaison au dernier comptage en date de 2012 », peut-on lire sur un document transmis à ses adhérents.
Mais selon le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer (auteur du plan national d’action en 2017) depuis 2009, « le nombre de déclarations [d’attaques de vautour sur animaux vivants] a diminué et s’est stabilisé autour de 60 à 70 plaintes par an sur l’Hexagone ». Pour Sébastien Uthurriague, ces chiffres sont trompeurs : « si les plaintes diminuent, c’est parce que les éleveurs ne déclarent plus auprès de l’Administration ».
« On a découragé les éleveurs de signaler les attaques »
Malgré le statut d’espèce protégée du vautour fauve, il n’est à ce jour prévu aucune indemnisation pour les éleveurs qui en sont victimes. Cette absence de dédommagement ne les motive pas à signaler les attaques auprès de l’Administration, explique Sébastien Uthurriague.
Pour beaucoup, la déclaration de ce genre d’incident est synonyme de perte de temps. « Sans compter qu’une fois prévenus, les représentants de l’OFB [Office française de la biodiversité] doivent venir faire un constat. Bien souvent, les bêtes ont été mangées à leur arrivée », poursuit l’éleveur. Prouver que l’animal était vivant au moment de l’attaque devient alors impossible.
Les revendications du syndicat restent claires : « On demande une régulation de la population, des indemnisations et l’autorisation des tirs létaux de défense. »
La FDSEA 64 met en place une fiche de recensement
La FDSEA des Pyrénées-Atlantiques a donc pris l’initiative de recenser les cas sur l’année 2020. Cela devrait permettre aux représentants « d’argumenter et de défendre leurs positions en s’appuyant sur des données reflétant la réalité du terrain ».
Dans un document diffusé à ses adhérents, elle invite les éleveurs à déclarer les attaques à l’aide d’une fiche de recensement, même si « cette fiche ne remplace en aucun cas la déclaration officielle qu’il faut faire auprès de l’Administration ».
Il y aurait, selon le syndicat, une vingtaine de retours depuis juin. Les attaques concernent souvent de petits groupes d’animaux, ou des femelles en train de mettre bas.
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