• Delphine Jeanne • Terre-net Média
Entre peur de manquer, ruptures logistiques, fermeture des restaurations collectives et de certains lieux d’approvisionnement alimentaire, la crise actuelle a remis la question de l’alimentation au cœur des priorités des Français. Le débat organisé dans le cadre « les Assiettes du Futur », le 6 mai, évoque le sujet sous l’angle politique, avec des interventions de la Confédération paysanne, la FNSEA, le député Jean-Baptiste Moreau (LReM) ou le député européen Benoit Biteau (EELV).
Avec l’environnement, l’agriculture arrive désormais en tête des préoccupations de nos concitoyens pour l’après-crise, et la question de la souveraineté alimentaire, qu’Emmanuel Macron présente à présent comme l’une de ses priorités, fait l’objet de réflexions et de propositions nombreuses, que ce soit du côté du monde agricole, des politiques ou de la société civile.
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Dans une série d’échanges autour de l'agriculture et de l'alimentation, les Assiettes du Futur, organisé par « On est prêt », Fermes d'Avenir et la Fondation Elyx, ont posé la question de l’agriculture et de l’alimentation de demain. Faut-il, pour assurer une agriculture résiliente face aux crises mondiales, revoir en profondeur notre modèle agricole ? Le débat du 6 mai a évoqué le sujet sous l’angle politique.
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Le Covid, un accélérateur de transition ?
Pour la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, la pandémie de coronavirus a montré la résistance du modèle agricole français : « l’écosystème agricole a tenu et a réussi à nourrir la population en cette période de crise », salue-t-elle. Pour la présidente de la FNSEA, la crise actuelle légitime la politique agricole commune, historiquement créée notamment pour assurer la sécurité alimentaire de l’Europe, vis-à-vis des États-Unis, et qui a permis au fil des ans des investissements dans la production, dans les infrastructures, dans le stockage, qui ont aidé l’agriculture européenne à tenir et à fonctionner même pendant la crise. La présidente de la FNSEA croit « beaucoup à la pédagogie de ce confinement » qui a rapproché les Français et leurs agriculteurs et modifié les habitudes d’achat et de consommation.
Car malgré tout, la pandémie ne doit pas faire oublier les dysfonctionnements de la filière agroalimentaire, et que les États généraux de l’alimentation n’ont pas réglé. Pour le député de la Creuse Jean-Baptiste Moreau (LReM), les agriculteurs –dont il fait partie- ont « un vrai problème d’organisation. Tant qu’on n’arrivera pas à structurer, on n’arrivera pas à inverser le rapport de force avec la grande distribution (...). Ce qui manque aujourd’hui, c’est le volet contractualisation entre l’agriculteur et son premier acheteur ». Pour lui, il parait préférable d’inciter financièrement les agriculteurs à s’organiser plutôt que d’imposer un prix minimum. « Je crois plus à la capacité de la filière à réguler ses volumes qu’à un mécanisme étatique ou européen d’encadrement des prix », insiste le député.
La crise pourrait cependant aider à « sortir du dogme du libre-échange sans aucune préoccupation environnementale », espère par ailleurs Jean-Baptiste Moreau, opposé au projet d’accord récent entre l’UE et le Mexique.
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Pour Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, ces évolutions ne seront pas suffisantes. La crise montre au contraire « la dépendance de notre modèle agricole et alimentaire », vis-à-vis des importations. Et s’il est évidemment compliqué de repenser le système en quelques semaines, les engagements des politiques et de l’aval de la filière lui semblent trop faibles. « La solidarité sur les volumes de la GMS, qui a appuyé un peu plus fort sur tête paysanne et paysans, n’est pas suffisante : le cours de l’agneau a perdu 1 euro du kilo par rapport à l’année dernière, la viande bovine a quasiment perdu 10 centimes du kilo par semaine... La solidarité doit aussi se jouer sur le partage de la valeur ajoutée », explique l’éleveur, qui dénonce une trop grande dépendance des politiques « à la GMS et à l’agro-industrie », citant la fermeture des marchés de plein vent et la visite d’Emmanuel Macron dans une exploitation de production de tomates hors-sol, dans le Finistère.
Il évoque de son côté plusieurs leviers pour une souveraineté alimentaire qui émane des territoires : réguler les volumes et les marchés, recentrer les échanges sur les produits à valeur ajoutée, aides à l’actif et non pas à l’hectare dans le cadre de la Pac...
Un modèle suffisamment adaptable à la raréfaction des énergies fossiles ?
Une idée à laquelle souscrit Benoit Biteau, agriculteur et député européen (EELV). Pour lui, il faut avant tout « faire le constat que l’agriculture est un véritable sujet de société, qu’on ne peut plus confiner dans un débat agricolo-agricole ». Et le premier point, c’est qu’il n’est « pas possible de continuer une agriculture dépendante du pétrole ». Il propose de revoir la Pac en profondeur et de remplacer les aides par une rémunération des services éco-systémiques rendus par les agriculteurs, afin de « sortir des logiques curatives » qui coûtent au final beaucoup plus cher à la société, à l’image du traitement de l’eau.
Pour le député européen, comme pour Nicolas Girod, le changement de modèle agricole est d’autant plus urgent que la raréfaction des énergies fossiles, notamment du pétrole, nécessaire à l’élaboration des engrais azotés, est inéluctable. Pour le porte-parole de la Confédération paysanne, « ce problème d’accès aux ressources va nous éclater à la figure (...), la relocalisation est la seule solution ».
Le manque de durabilité des énergies fossiles « doit nous amener à trouver alternatives », acquiesce en effet Christiane Lambert, qui évoque la bioéconomie, et la question des protéines végétales sur laquelle les Français sont plutôt de bons élèves européens, en assurant une autonomie à 55 %, contre 30 % en moyenne dans l’UE. Si, comme elle l’assure, les agriculteurs sont au travail sur ces questions-là, les progrès seront-ils suffisants ?
Qu’elles soient incrémentales ou systémiques, ces évolutions ne pourront pas se passer, en tout cas d’un accompagnement politique fort dans la durée pour assurer une souveraineté alimentaire plus importante qu’aujourd’hui.
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