Catherine Aubertin et Denis Couvet, membres de l’Académie d’agriculture de France
La Conférence des Parties de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique, la COP 14, s’est tenue du 13 au 29 novembre 2018 à Charm el-Cheikh, en Egypte. Le thème principal « Investir dans la biodiversité pour les hommes et pour la planète » devait appeler à une mobilisation afin d’atteindre les objectifs d’Haïchi définis en 2010 pour l'horizon 2020.
La Conférence a débuté sur un constat d’échec : la grande majorité des objectifs ne seront pas tenus. L’érosion de la biodiversité, loin d’être enrayée, s’accélère alors que ses causes, la principale étant le manque de volonté des Etats, sont connues. La stratégie à long terme "Vision 2050 pour la biodiversité" doit être discutée pour sortir de cette impasse lors de la prochaine COP qui se tiendra à Pékin en 2020. Des propositions, à la manière de la Convention climat, ont porté sur la nécessité d’obtenir des engagements des Etats, de disposer de mécanismes pour relever le niveau d’ambition, de revoir « l’architecture » de la Convention, d’imaginer un nouveau message plus mobilisateur…
Ces propositions ont été en partie occultées par les conflits à propos des innovations numériques et biotechnologiques, traitées à la fois par le protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques et le protocole de Nagoya sur l’accès et le partage des avantages. Les discussions ont porté sur la biologie synthétique (Gene drive et réécriture du génome, notamment à l’aide de Crispr) et sur la mise en libre accès des données numérisées de séquences génétiques (dont les pays développés estiment que, résultats immatériels de la recherche, elles n’entrent pas dans le champ de la convention).
Pour les pays en développement, ces innovations ont en commun d’échapper à la fois au contrôle démocratique sur la manipulation du vivant et aux règles d’accès et de partage des avantages tirés de l’exploitation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles. Susceptibles d’engendrer des retombées financières et de permettre des appropriations par brevets, elles font l’objet de lutte pour des parts de marché, bien loin des questions de conservation, de sécurité alimentaire ou de droits des populations autochtones.
La Convention, où s’affrontent différents rapports au monde dans un jeu de rôle Nord-Sud déjà éprouvé, tend à radicaliser les positions tout en retardant les prises de décision. La montée des nationalismes s’est faite durement ressentir, l’heure ne semble pas favorable à la coopération internationale.
Souhaitons que la réunion de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) à Paris au printemps 2019 offre une nouvelle occasion pour une mobilisation internationale en faveur de la préservation de la biodiversité.
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