jeudi 21 juin 2012

Stéphane LE FOLL


"IL NOUS FAUT INVENTER UN NOUVEAU CONTRAT ENTRE L’AGRICULTURE ET LA SOCIÉTÉ"

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Nommé ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire dans le nouveau gouvernement de François Hollande, Stéphane Le Foll, est un spécialiste de l’agriculture. Il nous livre sa vision de l’agriculture française et ses ambitions pour l’avenir.
Photo : ©Pascal Xicluna/Min.Agri.Fr
Comment percevez-vous les ressources et les points faibles de l'agriculture française ?

Stéphane Le Foll : L’agriculture française dispose d’atouts considérables : 490000 exploitations agricoles en métropole et 40 500 outre-mer, occupant plus de la moitié du territoire national. Nous disposons aussi de 10 000 industries agroalimentaires, à 90 % des PME, employant 400 000 salariés. Le secteur agroalimentaire a dégagé en 2011 un excédent commercial de 11,4 Mds d’euros c’est donc un atout dans le cadre d’un commerce extérieur dégradé. Nous avons la chance d’avoir une agriculture performante, et nous avons surtout la chance d’avoir non pas une agriculture mais des agricultures. Cette diversité est un atout, elle permet de disposer de filières de qualité, qui sont le fer de lance de nos exportations, et de proposer aux consommateurs une alimentation elle aussi diversifiée. Tout cela ne serait pas possible sans des agriculteurs et des paysans fiers de leurs métiers et compétents. C’est pourquoi je serai aussi attentif à défendre nos filières de formation, en particulier l’enseignement agricole, qui offre pour les jeunes un taux d’insertion de près de 90%... Depuis que je suis arrivé au Ministère, c’est dans le dialogue avec les organisations professionnelles, et en particulier la FNSEA, que j’entends accompagner notre agriculture et ses agriculteurs.
Pour autant, depuis 10 ans les choses se sont dégradées alors même que l’agriculture française a d’importants défis à relever pour  prendre toute sa part au redressement économique du pays. Aujourd’hui l’agriculture française a perdu sa place historique de 1ère puissance agricole européenne au profit de l’Allemagne ; 47 exploitations disparaissent chaque jour depuis 10 ans ; l’effondrement des revenus de nombreux agriculteurs a conduit plus de 56 000 foyers à percevoir le RSA (Revenu de solidarité active, ndlr), en 2010. Il faut conforter l’agriculture française dans sa diversité et dans la voie de la compétitivité tout en la conciliant avec les exigences de respect de l’environnement et les attentes légitimes des citoyens.

Quels projets avez-vous pour le monde rural dans sa globalité, et pour rapprocher urbains et ruraux ?
S. L. F. : L’agriculture doit concourir à la vitalité du monde rural et à la communication entre les ruraux et les urbains. Elle ne pourra y parvenir qu’en améliorant toujours à la fois ses performances environnementales et son efficacité économique. Plus généralement, nous devons inventer un nouveau contrat entre les agriculteurs et la société. Il faut passer d’un cadre individuel à un cadre collectif pour que les agriculteurs puissent mutualiser à la fois leurs investissements, et les risques inhérents à leur activité.
Restaurer le lien entre le monde rural et le monde urbain implique une meilleure mobilisation des outils disponibles pour financer des actions adaptées, assurer une bonne coordination entre les actions menées au niveau des collectivités locales et de la profession. Nous devons mieux tirer parti du potentiel de nos territoires en soutenant toutes les initiatives, en particulier celles qui localisent à la fois la production et la distribution agricole.
La question du foncier est devenue dans notre pays une question majeure. Il n’est plus acceptable que les surfaces agricoles soient continuellement réduites - l’équivalent d’un département tous les 10 ans. Je ferai de cette question l’enjeu d’un débat à venir pour voir quels moyens peuvent être mis en œuvre pour réduire ce gaspillage de terres agricoles et garantir ainsi le potentiel de nos agricultures.

Quelles sont vos ambitions pour l'agriculture française au plan européen et mondial ?
S. L. F. : La PAC a atteint les grands objectifs qui lui avaient été assignés il y a cinquante ans : sécurité alimentaire, diversité des productions, accès du plus grand nombre à une alimentation en quantité suffisante, maintien des exploitations partout sur le territoire. Elle est surtout un élément décisif de la construction européenne. Sans politique agricole commune, il n’y a plus de projet européen. Cette politique est une politique publique absolument nécessaire pour combiner les attentes légitimes des citoyens, des consommateurs et surtout celle des agriculteurs et des paysans. Aujourd’hui, le nouveau modèle agricole européen doit permettre de faire vivre différentes productions, différentes organisations et c’est tout le sens du débat qui vient. La préservation du budget de la PAC est indissociable du budget de l’UE. Les deux grandes politiques publiques européennes aujourd’hui, c’est la PAC et la politique de cohésion territoriale. Il faut les défendre ensemble. Elles sont liées, en particulier sur la question du développement rural. Il y a une réforme en cours, les discussions se sont engagées, j’entends les poursuivre avec le souci permanent du dialogue et de la concertation pour que la mutation de l’agriculture française se fasse avec les agriculteurs et pas contre eux.

Portrait : Stéphane Le Foll, spécialiste de l’agriculture
Né le 3 février 1960 au Mans, titulaire d'un BTS agricole, d’un DEA en économie et d'un diplôme professionnel spécialisé du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), il a été professeur dans l'enseignement agricole et chargé de cours à l'université de Nantes, entre 1988 et 1996. Il a été élu conseiller municipal de Longnes (72), de 1983 à 1995, puis conseiller de Louis Le Pensec, en 1997, avant de diriger le cabinet de François Hollande au Parti socialiste, de 1997 à 2008. Député au Parlement européen, de juin 2004 à mai 2012, Stéphane Le Foll était membre de la commission de l'Agriculture et du Développement rural.

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