mardi 19 juillet 2011

Changement climatique ce qui attend la France


Vulnérabilité

par Florence Couret
La France se prépare. Avec méthode et en déployant tous les moyens possibles, en hommes et en structures : des experts reconnus sur le plan international, des chercheurs qui depuis plusieurs années déjà se penchent sur la question, des élus qui à l’évidence ne cherchent pas à minorer le problème, mais aussi un observatoire national ainsi qu’une mission chargée de publier des rapports d’étape, pilotée par le glaciologue Jean Jouzel… Indéniablement, la France se prépare aux changements climatiques à venir. Et si la volonté politique ne se dément pas, tout laisse à penser qu’elle devrait être en mesure d’a ronter la hausse prévisible de deux ou trois degrés en moyenne annuelle que l’on devrait connaître d’ici à la n de ce siècle.

On ne peut que s’en réjouir. On peut même penser que c’est la moindre des choses quand on en a les moyens – ce qui est pourtant loin d’être le cas. Par contraste, on s’e raie des informations venues de la Corne de l’Afrique soumise depuis des mois à une impitoyable sécheresse – la plus grave depuis soixante ans, estime l’ONU – avec, désormais, la famine qui menace. Rien ne permet d’établir formellement un lien entre cette absence de pluies en Afrique de l’Est et les changements climatiques : mais le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a d’ores et déjà prévenu que ce continent serait, quoi qu’il arrive, le plus vulnérable aux e ets des changements climatiques « parce que la pauvreté généralisée limite les capacités d’adaptation ».
S’adapter, voilà pourtant la clé. La responsabilité de ceux qui pourront procéder à cette adaptation à l’égard de ceux qui, seuls, ne le pourront pas, est immense. Ce qui, jusqu’à présent, semble avoir, pour une bonne part, échappé aux économies riches si l’on s’en tient aux résultats étriqués du sommet de Copenhague en 2009 et de celui de Cancun en 2010. Le prochain grand rendez-vous aura lieu à la n de l’année. À Durban, en Afrique du Sud. La tenue d’une telle conférence sur le continent africain doit être une bonne occasion de remettre la question du climat à sa juste échelle. Celle du monde et du rapport Nord-Sud.

AGRICULTURE

Relocaliser certaines cultures

Ni catastrophisme, ni optimisme démesuré. « En matière agricole, les impacts du changement climatique ne sont pas univoques et varient énormément en fonction du type de culture », assure ainsi Nadine Brisson, directrice de recherche de l’unité Agroclim de l’Inra. Ainsi, la cause même du changement cli-
matique – l’augmentation de CO2 dans l’atmosphère  est un bienfait pour certaines cultures. « Le CO2 est la base de la nourriture des plantes », rappelle la scientifque.
De même, la hausse des températures, qui va avancer dans la saison chaque stade de développement des plantes, peut avoir des effets bénéfques. « Pour certaines cultures, avancer le cycle permettra d’éviter le stress hydrique de l’été », explique Nadine Brisson.
Tout le monde n’y gagnera pas. Le maïs – dont la culture est irriguée à 70 % – devrait souffrir du manque d’eau et, pour des raisons physiques, ne pas bénéficier de l’augmentation du CO . D’où une baisse des rendements attendus. En revanche, le blé ou la production de fourrage – pour des raisons inverses – pourraient tirer leur épingle du jeu. Quant au colza et au tournesol, on s’attend à une stagnation des rendements.
C’est sur le vin que se concentrent aujourd’hui les plus grandes inquiétudes. « Le décalage des cycles sera mauvais pour l’arôme », assure en e et Nadine Brisson. La maturation du raisin, qui a lieu aujourd’hui entre les mois d’août et septembre, devait être décalée aux mois de juillet et août. « Or ce qui compte dans la qualité du vin, c’est la di érence de température entre des journées chaudes et des nuits fraîches, poursuit la scienti que. Ce qui n’est pas le cas en juillet-août. »
« Le changement climatique ne sera pas une catastrophe pour l’agriculture, à condition de se préparer », a rme cependant la scienti que. Des leviers existent : améliorer génétiquement les variétés ; substituer une partie du maïs par du sorgo – qui remplit les mêmes usages mais résiste mieux à la sécheresse ; avancer les semis… et, s’il le faut, relocaliser certaines cultures. Planter du maïs et du sorgo plus au nord et – pourquoi pas ? – du merlot dans le Bassin parisien ou en Bretagne.

OPINION MARION GUILLOU, présidente directrice générale de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra)

L’eau et l’agriculture, fourmi plus que cigale

La sécheresse du printemps 2011 a a ecté de nombreux agriculteurs français : selon un sondage publié la semaine dernière, près des deux tiers d’entre eux s’estimaient victimes de la pénurie d’eau et de ses conséquences, notamment sur le fourrage. Les causes des dégâts sont connues – chaleur exceptionnelle ajoutée à un dé cit pluviométrique – et les perspectives futures ne sont guère encourageantes : d’après Météo France, de tels épisodes de sécheresse risquent, à l’avenir, de toucher de plus en plus souvent le territoire.
Ce printemps sec témoigne d’une tendance à l’œuvre depuis plusieurs années en France et dans le monde : l’agriculture vit désormais sous le règne d’incertitudes croissantes. Ces incertitudes sont notamment liées au changement climatique : à cause de ce changement, le blé voit aujourd’hui sa production atteindre un plateau, tandis que d’autres cultures pourraient connaître une hausse de leur rendement à long terme. Pour l’heure, les premiers à pâtir de cette incertitude sont les agriculteurs, aux prises avec des volumes de production incertains et des prix volatils.
Est-il vraiment indispensable d’appeler à un usage plus sage des ressources dans un pays aussi avantagé que la France ? Après tout, la pluie fait tomber pas moins de 400 milliards de m d’eau sur notre territoire, et sur cette quantité nous n’utilisons « que » 32 milliards de m . Pour autant, ces quelques chi res ne doivent pas occulter une autre réalité : le volume d’eau qui va aux nappes phréatiques diminue, que ce soit en ville, où le bétonnage rend les sols de plus en plus imperméables, ou à la campagne, où les sols agricoles contribuent également au ruissellement lorsqu’ils restent à nu.
Certes, à considérer les moyennes annuelles, l’eau ne manque pas dans notre pays. Mais il est clair que cette ressource fait défaut à certains endroits et à certaines périodes de l’année. D’où la nécessité d’un usage plus sage : il nous revient de retenir l’eau, de la recycler, de l’aider à s’in-
ltrer au lieu de la laisser ler vers la mer. Nous devons gérer collectivement sa disponibilité, surtout dans les régions moins arrosées. Et parce qu’elle représente 70 % de l’eau consommée en France, l’agriculture doit au premier chef contribuer à ces changements de pratique.
Les systèmes de culture doivent également s’adapter au nouveau contexte marqué par un stress hydrique plus poussé et par des phénomènes extrêmes plus puissants. Cette adaptation suppose des innovations.
Innovation génétique, tout d’abord. Dans ce domaine, les recherches poursuivent un même objectif : améliorer la résistance des cultures à la sécheresse. Innovation agronomique également : les chercheurs travaillent sur de nouveaux systèmes de production qui permettent de passer sans encombre des épisodes extrêmes de courte durée. La recherche s’attache également à dé nir des stratégies plus précises d’irrigation et de gestion de l’eau. Innovation en matière d’organisation, enfin : les économistes ont montré qu’une anticipation correcte de la sécheresse, grâce notamment à des dispositifs d’observation et d’alerte, permettait aux agriculteurs de se prémunir e cacement contre ses conséquences.
En France comme au niveau international, il est temps d’abandonner la posture de la cigale pour adopter la stratégie de la fourmi. Stratégie gagnante qui repose aussi bien sur une meilleure gestion des ressources que sur l’innovation agricole pour adapter les plantes, les couvertures du sol et les systèmes de culture à l’environnement plus contraint qui sera le nôtre dans les décennies à venir.

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